Se faire dire NON pour obtenir un OUI

Parmi toutes les techniques qui permettent d’obtenir un “oui” de notre bien aimé cible, il en est une qui peut sembler paradoxale: se faire dire “non” pour que “l’autre” accède à votre demande. Que cet “autre” soit votre patron, votre client, votre conjoint, votre inconnu (pardon un inconnu), votre voisin, votre fils, votre petit-fils ou votre grand père, la technique est la même.

Pour réaliser cet article je me suis inspiré d’un livre que je vous recommande ici.

Avant tout, se faire envoyer balader!

Il convient dans un premier temps de faire une requête suffisamment conséquente pour que votre interlocuteur ne puisse l’accepter, malgré la meilleur volonté du monde. C’est d’ailleurs ce que font bon nombre de “marchand de tapis”, ceux qui ont le culot de vous proposer un prix trois fois moins élevé que celui demandé initialement. Il est d’ailleurs à noter que ce qui retient bon nombre de personne de faire de même, c’est la sympathie que nous éprouvons pour autrui. En effet, dans une démarche commerciale, il importe de savoir se mettre à la place de l’autre. Par contre, là où la difficulté commence, c’est, lorsqu’en plus de se mettre à la place de l’autre, on se met à vivre avec lui ses émotions. Il y a là une subtilité qui demande à être bien comprise. Il s’agit ni plus ni moins que de cerner la différence entre sympathie et empathie.

Photo par Sharon McCutcheon sur Unsplash

Sympathie : c’est la capacité à vivre avec l’autre ce qu’il ressent. Comme par exemple éprouver sa tristesse quand il comprend que son offre ou son produit est déconsidéré par l’acheteur.

L’empathie : c’est la capacité à percevoir chez l’autre ce qu’il ressent. Et c’est ça qui permet de déterminer si on est dans la marge de manœuvre de l’autre ou en deçà.

L’importance d’un Vrai “non”

Le premier refus que l’on essuie (et dont il convient de passer outre puisqu’il a été voulu comme tel) va permettre d’envoyer un “coup de bélier” dans le jeu de l’autre. S’ensuit une phase de déstabilisation propice à la redistribution des cartes.

Pour une bonne efficacité, il faut vraiment se prendre un “non”, net et sans appel. Et pour être tout à fait honnête, c’est le caractère indécemment coûteux de la demande qui doit être ressenti par la personne. C’est l’effet de sidération provoqué qui permettra à cette personne d’accéder à la véritable demande.

Dans le cas où la personne vous dit “non” sans vivre “l’état de choc” de la demande outrancière, elle pourra tout aussi bien refuser la demande suivante.

Vous l’avez compris, la technique repose sur l’existence de deux demandes, et seule la deuxième sera satisfaite.

La deuxième demande

Il est préférable que cette deuxième demande ait un lien avec la première. En portant par exemple sur le même produit/service/cause. Et bien que je vous ai dit plus haut qu’il importe que la demande soit outrancière, ne faites pas non plus une demande en mariage. Je dirai qu’il faut viser là la juste démesure. Pas plus, pas moins.

Un exemple concret : votre voiture est en panne et c’est votre seul moyen de locomotion. Il se trouve que vous devez aller faire vos courses et que sans voiture c’est impossible. Il se trouve également que vos voisins ont deux voitures et qu’ils pourraient, peut être, vous en prêter une pour l’occasion. Vous pensez qu’il est hautement probable d’essuyer un refus si vous lui demandez d’emblée “Peux-tu me prêter ta voiture pour que j’aille faire des courses?”. Dans la technique exposée dans l’article (qui s’appelle “la porte au nez” et a été découverte par des psychologues sociaux dont Cialdini) la demande initial pourrait être “Peux-tu me prêter ta voiture pour la semaine? Le temps que la mienne soit réparée.” Normalement il vous envoie balader, mais ça ça dépend de nombreux éléments et c’est à vous de jauger la situation pour rendre la demande inacceptable.

L’efficacité de la technique se trouve augmentée quand la demande est formulé de vive voie et en présence physique de l’interlocuteur. C’est d’ailleurs un gage de qualité dans presque toutes les relations interpersonnelles. Pour mettre toutes les chances de votre coté, il convient également d’enchaîner assez rapidement les deux demandes.

Mais pourquoi ça marche?

Plusieurs raisons ont été avancées:

La norme de réciprocité

Elle consiste à “rendre la pareil”. En effet, lorsqu’une personne nous est amical et bienveillante, nous avons tendance à prendre des décisions plus favorables envers elle. Alors que sans cette attitude, nous allons suivre notre intérêt personnel. L’inverse est vrai également. Alors permetez moi un petit conseil : soyez bienveillant si vous voulez attirer de la bienveillance, et n’oubliez pas que l’hostilité dont vous ferez preuve envers autrui vous sera, très probablement rendue.

La première demande exorbitante retirée, votre interlocuteur constatera la concession que vous lui faites. Ce qui le conduit à se sentir redevable, lui aussi, d’une concession. En conséquence de quoi, il sera tenté d’accéder à votre deuxième requête. Soit dit en passant que, dans le cas d’un choix binaire (oui ou non) vous avez plus de chance d’atteindre votre objectif que si le choix peut être nuancé (tel le marchandage d’un prix).

L’effet de contraste

Autre raison invoquée : la différence entre les deux demandes est telle, que la deuxième ne parait pas excessivement coûteuse, alors que prise isolément elle aurait pu le paraître; elle devient maintenant raisonnable.

Un petit peu comme si votre petit garçon de 4 ans, au hasard d’un rayon de supermarché, vous demande un jouet que vous estimez trop cher, et qui, suite à votre refus, reste tout sage et tout mignon. Puis quelques instants plus tard, il vous en demande un autre 4 fois moins cher… Il y a fort à parier que le prix de ce deuxième jouet vous paraîtra plus raisonnable.

La noble cause

Il a semblé aux chercheurs que le phénomène de “porte au nez” fonctionne surtout avec de “noble cause” (aider les pauvres, les malades, …). Dans ce cas, la première demande permettrait au solliciteur d’être perçu comme une personne “digne et respectable”. Cependant cette hypothèse n’a pas fait long feu. Entre autre parce que pour une bonne efficacité de “la porte au nez”, il importe que les demandes se succèdent rapidement. Alors la question se poserai de savoir : pourquoi est-on “digne et respectable” dans l’instant qui suit la première demande et pas dans les heures/jours à venir?

photo de Patrice Calatayu sur Flickr

L’autoperception

Kess-cé-qu’ça? L’autoperception, c’est la perception que l’on a de soi même. Elle a la particularité de ne pas être intuitive et spontané. Et donc, pour prendre conscience de la perception que l’on a de nous même, il faut que nous analysions nos comportements au regard du contexte dans lesquels ils se sont produits. Mais cette théorie, quoique séduisante au premier abord, ne nous mène pas loin. Cette tendance devrait au contraire nous faire réitérer un refus.

Paraître quelqu’un de bien

Une autre option, particulièrement intéressante dans le cas d’une “noble cause” est à envisager. Si le sollicité veut pouvoir continuer à s’estimer quelqu’un de bien dans le regard de l’autre, il va accepter la deuxième demande. Cette concession lui permettrai de “sauver la face”.

Mais alors si toutes ces hypothèses n’expliquent pas le phénomène: ça marche vraiment?

Ça marche vraiment?

Sans hésitation aucune je répond oui. Plusieurs études ont été réalisée et les résultats sont sans appel. En voici une que l’on doit à Cialdini et ses collaborateur:

Première expérience:

Une demande a été faite à des étudiants d’accompagner au zoo des jeunes délinquants pendant 2h. Il y eu environ 83% de refus.

Deuxième expérience:

Avant de faire cette même demande à d’autres étudiants, ils leurs demandèrent: “Nous recrutons des étudiants, qui accepteraient  de travailler bénévolement comme conseiller, au centre de détention pour jeunes délinquant. Il s’agit de consacrer 2h par semaine pendant deux ans à ce travail. Vous auriez le rôle de “grand frère” auprès d’un de ces jeunes. Etes-vous intéressés?”

Evidemment les étudiants ont refusé. La deuxième requête leur était tout de suite présentée. Et le taux d’acceptation de cette deuxième a été de 50%.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, je trouve que la différence est notable.

Et vous, que connaissez-vous comme technique pour obtenir une réponse favorable?

Merci de m’avoir lu.

Pierre-Favre Bocquet

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13 commentaires pour “Se faire dire NON pour obtenir un OUI

  1. Intéressant mais comment dire… Je préfère l’attitude qui consiste à être en vérité avec l’autre… Un premier pied dans la manipulation… Le terrain est glissant !

  2. Hello !

    Sympa de mettre en lumière cette approche, j’avais déjà entendu cette manière de procéder . En soi cela fonctionne selon les situations, et en plus on peut le faire avec beaucoup de légèreté !

    Personnellement dans le cadre professionnel je suis plus en phase avec la technique de l’acquiescement ( de petits oui pour obtenir un grand oui).
    En revanche, pour le perso et les services à demander à droite à gauche, le non pour avoir le oui est très efficace en effet !
    Par exemple : je demande à mon cher et tendre s’il peut aller chercher notre fils chez la nounou tous les soirs de la semaine –> Ce n’est pas notre rythme habituel, il est probable qu’il me dise non. Ensuite, je lui demande ” bon, alors au moins le mardi, c’est important pour moi”. J’obtiendrai mon oui bien volontiers 😉

    Merci pour cet article

    1. Oui j’avoue, ça fait clairement moins brutal d’y aller par petite note de oui, il y a quelque chose de plus humain, et dans une relation commerciale le coté humain est apprécié. (mais je ne suis pas en train de dire que tu n’es pas “humaine” avec tes proches 😉 :-D:-D)

  3. Merci pour cet article ! Je suis très mauvaise “commerciale”, et il va falloir que je m’y mette si je veux vivre de mon activité… Il y a des chances pour que je suive attentivement ton blog 😉
    La technique dont tu parles m’a été exposée rapidement par mon beau-père qui était commercial, et j’avoue que je l’avais en effet trouvé d’une efficacité redoutable ! 😉

    1. Merci de l’interet que tu porte à mon blog 🙂
      A propos de ce mettre au “commerciale” je me rappel d’un briefing du directeur commercial dans l’entreprise où je travaillais avant. Il exposait qu’une relation commerciale est d’abord une relation d’humain à humain, une relation intéressée, certes, mais une relation comme on en a souvent avec des gens que l’on aborde “sans arrière pensée” 😉 j’avais trouvé ça inspirant

    1. Yep! Mon fils a utilisé cet technique à mes dépends l’autre jour (de manière fortuite vu qu’il n’a que 4 ans), mais je ne m’en suis rendu compte qu’après coup 😀

  4. Bonjour Pierre-Favre,
    Très intéressant ton article. J’avoue qu’il faut que je la teste, même si cela va me demander de l’énergie et de mettre de côté ce qui m’anime avant tout : l’authenticité. Je vais garder cela dans un coin de ma tête et mettre en pratique sur des situations bien particulières.
    Je t’ai lu avec plaisir,

    1. C’est vrai, ce n’est pas facile de se donner le courage de donner une réponse, ou poser une question, qui va déplaire. D’un autre coté on accorde souvent plus d’importance au regard et à l’avis de l’autre, que lui même ne nous en accorde en réalité 😉

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