Sortir du nucléaire c’est possible (ce n’est pas une blague)

Sortir du nucléaire, je ne crois pas vraiment que ce soit possible. Pourtant je voudrais vous convaincre du contraire.

Bienvenue dans ce douzième (et dernier) article de mon défi. Il consiste à défendre des thèses que je ne partage pas. Pour en comprendre le bénéfice veuillez cliquer ici.

Une histoire de croyance

Les pro-nucléaires sont les croyants du XXIème siècle. Ils ont foi en la technique et la technologie. Une foi aveugle qui leur permet d’avoir confiance malgré les accidents passés et prévisibles de nos centrales nucléaires. Une foi aveugle alors que la menace terroriste croît et que les centrales touchent à l’âge de leur retraite.

Mais comprenez-moi bien, je n’ai rien contre les croyants, au contraire. Mais il me semble important de voir les choses comme elles sont et de pouvoir le dire.

Sortir du nucléaire est une nécessité. Je m’appuierai dans cet article sur deux aspects importants. Le premier est que le risque d’accident est bien réel, donc il faut s’en prémunir. Le deuxième est que le stockage et le « recyclage » des déchets nucléaires sont problématiques. La solution archaïque de l’enfouissement (comme les décharges sauvages que l’on trouvait dans tous les villages il y a encore quelques années) ne fait que repousser et complexifier le problème.

Pro ou anti-nucléaire, tous croyants !

Les pro-nucléaires croient en la technologie pour inventer un nucléaire propre. Tel que la fusion nucléaire plutôt que la fission par exemple.

Et les anti-nucléaires croient en le développement du stockage de l’énergie naturelle, lors de pics de production, que ce soit par le vent ou le solaire, par exemple. Spontanément nous pensons aux batteries. Mais il existe d’autres alternatives : certaines centrales hydroélectriques Suisses, par exemple, dont les réservoirs sont remplis par des pompes lorsqu’il y a une surproduction d’électricité.

En fait il existe bien d’autres voies à explorer. Un projet est à l’étude pour utiliser ce même principe avec des blocs en béton. Nous pourrions aussi envisager de le faire avec des volants d’inertie par exemple.

Je ne cite que quelques idées. Alors qu’il y en a bien d’autres.

Comme utiliser une réaction chimique entre l’eau et la chaux pour faire tourner une turbine (la chaux serait séchée au soleil, puis plongée dans l’eau, ce qui provoquerait une réaction chimique dégageant beaucoup de chaleur). Une autre solution consisterait à produire des micro-algues que l’on peut transformer en carburant (elles ont besoin de lumière, de chaleur et d’eau pour se développer).

Ce que je veux dire avec ces exemples, c’est que dans tous les cas nous fondons nos certitudes sur des croyances. Or personne ne sait de quoi l’avenir sera fait et nous nous rejoignons sur notre confiance en l’avenir.

Il n’y a de richesses que d’hommes

Beaucoup de choses restent à inventer.

Certaines idées pour stocker les surplus d’énergie peuvent parfois prêter à sourire, et c’est bien normal. Sans être devin je peux vous dire qu’il y en a certaines que vous trouverez dangereuses. Et vos enfants (ou vous-même peut-être) les trouveront évidentes.

Je reprends là le triptyque d’Idriss Aberkane « Ridicule, dangereux, évident » (formalisé par Schopenhauer avant lui). Toute révolution passe par trois stades. Celui d’être d’abord considérée comme « ridicule », puis « dangereuse », et enfin « évidente ».

Pensez au vote des femmes : « Ridicule, dangereux, évident ».

Pensez aux centrales nucléaires ! « Ridicule, dangereux, évident ».

Et maintenant, pensez aux énergies renouvelables … « Ridicule…, dangereux ? ». « Evident ».

Comme lors de tout progrès ou de toute nouvelle technologie des voix se sont élevées pour les dénoncer. Certaines n’ont pas abouti car elles n’étaient pas pertinentes, mais d’autres en sont sorties grandies. Et c’est la force de la contradiction d’« interroger les certitudes et faire avancer les esprits honnêtes ».

« Il nous arrive fréquemment de douter de l’honnêteté intellectuelle de nos contradicteurs. Nous les pensons alors idiots et/ou malhonnêtes ». Quand tel est le cas, notre interlocuteur pense probablement la même chose de nous…

Il nous parait impossible de sortir du nucléaire parce que nos esprits sont habitués à un système de production centralisé et géré par une grande entreprise. Mon souhait est d’élargir notre vision.

Ouvrir le champ des possibles

Au lieu d’imaginer quelques endroits du territoire où seraient implantées d’immenses usines de production d’électricité, qui balanceraient leur MGW à l’autre bout du territoire et dont les bénéfices rempliraient les poches de quelques grands investisseurs, pourquoi ne pas imaginer, éparses sur le territoire moulte petites usines produisant de l’énergie, l’une avec la force des marées, l’autre avec le vent. Une autre encore avec l’eau des fleuves et des cours d’eau. Et certaines avec le soleil.

Et en matière de stockage, il y a les systèmes évoqués plus haut, mais aussi des systèmes d’air pressurisé. (Un surplus de production alimente des compresseurs qui compriment de l’air dans des « ballons ». Puis la pression est relâchée à la demande pour faire tourner une turbine). Et encore bien d’autres solutions à inventer.

Je suis conscient qu’il s’agit d’une possibilité. Que rien n’est certain. Mais à rester dans le nucléaire, rien n’est certain non plus, au contraire.

Ce qui me séduit dans cette vision, c’est d’évoluer vers un système à taille humaine, local, raisonné (dans le sens où l’on contrôle l’ensemble du fonctionnement du système).

Ce système permettrait à des particuliers, des petites et grandes entreprises de créer de la richesse, de l’emploi et de la résilience. Bref, il permettrait de sortir du nucléaire en laissant à tout le monde la possibilité de prendre sa place.

Mais encore…

Avant de vous libérer, je voudrais vous livrer quelques réflexions. Je vous le rappelle, je suis pour le nucléaire civil, mais après tout n‘ai-je pas le droit d’en douter ?

Et lorsqu’il n’y a pas de vent ?

Le maillage du territoire pour amener l’électricité d’un point A à un point B est déjà en place. Sans doute faudra-t-il le réorganiser pour l’adapter à ce nouveau mode de production plus proche du consommateur. Mais il n’y a pas en France un seul et unique couloir de vents. Au contraire il y a de multiples vents régionaux. C’est-à-dire que lorsqu’il y a peu de production dans une région, il y en a dans une autre. Pareil (à moindre échelle mais tout de même) pour le soleil.

Ce qui comptera, c’est le couplage des productions sans pénuries (forces des marées) avec celles intermittentes (solaire, …) et avec les moyens de « stockage de courant » sous toutes leurs formes. Il importe aussi de considérer que s’il y a moins d’exposition solaire en hiver (baisse de la production photovoltaïque) il y a davantage de débit dans les cours d’eau (hausse de la production en hydroélectricité).

Ajoutons au passage qu’à l’ère des ampoules à Led, des chauffages par géothermie et des isolations performantes, la consommation de courant n’est pas obligée de suivre une courbe ascendante.

Les éoliennes c’est moche

Oui. Comme les maisons à la campagne et les navires qui quittent le port.

Ce que je veux dire c’est que l’on a fait des concessions à la beauté de la nature pour trouver notre place en ce monde. Concessions que nous ne voyons plus comme telles parce qu’elles sont rentrées dans les mœurs.

Effectivement une éolienne ce n’est pas ce qu’il y a de plus esthétique. Quoique… c’est une question de goût. Mais quand il s’agit de défendre ses idées tous les arguments sont bons, n’est-ce pas ?

Les panneaux photovoltaïques sont constitués de terre rare

Comme les ampoules à Led et nos écrans de télé. On fait quoi maintenant ? On revient aux ampoules à incandescence qui bouffent énormément de courant et on rouvre des centrales nucléaires pour les alimenter ? Ou on arrête d’acheter télés et écrans d’ordinateurs, pour revenir aux livres papier et cahiers grands carreaux format A4 qui déboisent la planète ?

Ou bien on prend conscience qu’ « improprement appelées terres rares, ces métaux sont en fait aussi abondants que d’autres métaux comme le nickel ou le cuivre mais beaucoup plus dispersés ».

Et pensez bien…

Un humain cherche avant tout à confirmer ses opinions. C’est normal.

Et comme tout humain … je suis faillible.

Et vous, que pensez-vous de la sortie du nucléaire ?

Pierre-Favre Bocquet

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7 commentaires pour “Sortir du nucléaire c’est possible (ce n’est pas une blague)

  1. Jolie démonstration ! Le fait que tu rappelles ton avis en haut aide beaucoup, parce que je me souviens des articles où les lecteurs pendaient que tu avais vraiment l’avis que tu défendait dans ce défi.
    En ayant vu la série des Parasites (entre autres) et bien qu’ayant de la famille travaillant en centrale nucléaire, je me dis qu’il devient urgent de réfléchir à notre sortie du nucléaire. Même si je n’y crois pas vraiment….

    1. On se rejoint clairement sur ce point… sauf si l’on arrive à recycler “pour de vrai” nos déchet radioactif. Auquel cas je me reposerai la question de si je suis pour ou contre

  2. Merci pour cette belle réflexion ! J’avoue que j’ai longtemps été pro nucléaire (en ne me focalisant que sur la puissance de cette énergie), avant de comprendre qu’il y avait tellement d’enjeux économiques, que l’opinion publique pouvait aussi être manipulé. Je suis certain qu’avec une prise de conscience GENERALE de la Société sur l’urgence de changer de mode de développement, on saura exploiter les différentes sources d’énergies vertes.

  3. Farpaitement !
    Mais ce n’est qu’un aspect du problème. Encore faudrait-il aussi consommer moins, par exemple en cessant de fabriquer des articles inutiles (coût énergétique de fabrication) qui se baladent sur la Terre entière (coût énergétique de transport) et qui encombrent rapidement les décharges (coût énergétique de dépollution dans le meilleur des cas).
    En fait, il faudrait cesser de les acheter, ces merdes !

  4. Encore un excellent article ! Sauf que je ne me ferai jamais à ce défit, à chaque fois je tombe dans le panneau et je pense que tu plaide vraiment pour la cause en question (bon ok sauf cette fois-ci). A propos de déchets qui se transforme ou s’enfouissent pour des centaines d’années… Connais-tu Gunter Pauli et son “économie bleu” ? Il est souvent qualifié de charismatique même s’il n’a pas un excellent français alors ton avis sur le personnage m’intéresse ! Lien d’une vidéo récente ici commence à 17:30 : https://www.youtube.com/watch?v=_6OpVkbw-yY

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