Mécanisme de la décision

Les meilleures raisons du monde seules n’ont jamais convaincu personne. Vous pouvez avoir raison, 100 fois raison, si vous ne déclenchez pas le mécanisme de la décision, vous ne convaincrez jamais personne.

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Les arguments permettent à l’être humain de justifier les choix qu’il fait, mais pas de les changer. C’est la raison pour laquelle l’être humain trie les informations dont il nourrit sont esprit. En effet, pour éviter toute dissonance, notre esprit doit garder sa cohérence. Or notre vie quotidienne nous met sous les yeux en permanence des faits ou opinions qui interrogent nos certitudes. Les doutes qu’ils induisent créent un déséquilibre émotionnel. Ce déséquilibre nous met dans une position inconfortable. Nous avons besoin d’être rassuré et donc nous cherchons des arguments qui restaurent cet équilibre. Autrement dit, la chose qui dicte nos passions (au sens philosophique du terme : inclination non maîtrisable ; rupture de l’équilibre psychologique (source ici)) n’est pas de l’ordre de la raison.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on peut entendre des gens dire « Je sais que les conditions d’élevage de porc sont inacceptables, mais j’en mange quand même parce que j’aime bien » ou « Telle marque exploite la misère dans les pays pauvres, mais je veux quand même avoir tel smartphone ».

Il y a 2300 ans Aristote disait déjà dans son œuvre « La rhétorique » que l’on n’émet pas les jugements de la même manière en fonction des passions qui nous anime. C’est la raison pour laquelle il faut inclure du « pathos » dans vos propos si vous ambitionnez de convaincre.

Ce qui m’amène à vous dire que le mécanisme de la décision commence par l’activation des émotions.

Ce que sont les émotions

Les émotions sont des évaluations cognitives que nous faisons des situations. Elles nous permettent d’interpréter le monde par rapport à nos buts, nos valeurs ou nos besoins.

Les émotions nous informent sur l’importance que l’on attache aux événements que l’on vit. Et elles se traduisent par des réactions comportementales et physiologiques. Elles jouent un rôle dans nos prises de décision, dans la manière où nous percevons les choses et influent sur notre mémoire épisodique. Et, parce qu’elles sont perçues par autrui, elles sont un vecteur communicationnel puissant.

Elles débutent par un événement déclencheur, provoquent une réaction cognitive, des sensations internes, des réactions motrices et des sentiments.

Ce sont d’ailleurs les réactions engendrées par nos émotions qui nous permettent de nous adapter à un événement en particulier. En quelque sorte, c’est comme si elles déclenchaient un « pilote automatique » avec des « préréglage de base ». Exemple : Vous êtes dans une gare tôt le matin. Un inconnu vous fixe depuis deux minutes, regarde autour de lui et constate qu’il n’y a personne. Plonge une main dans sa poche, l’y laisse, et tout en vous fixant des yeux, se rapproche. A priori vos pupilles vont se dilater, votre rythme cardiaque augmenter, un afflux de sang arriver dans vos jambes, … vous êtes prêt pour la fuite ou le combat.

C’est un exemple extrême mais qui illustre bien notre « préprogrammation ».

Quels sont les émotions

Vaste question tant les classifications varient selon les auteurs !

Elles peuvent être classé en deux groupe : les positives et les négatives. Nous trouvons en émotion de base : la joie, la colère, la peur, la tristesse et le dégoût. Tout le monde semble okay là-dessus, certains ajoutent : la surprise, le mépris, … Ces émotions de base sont innées.

Les émotions de bases peuvent se mélanger, telles des peintures sur la palette d’un peintre, pour en former d’autres. On les appelle « émotions secondaires » et celles-ci s’acquerraient dans les premières années de notre développement. Ces émotions secondaires sont, par exemple l’association de la surprise avec la tristesse pour donner la déception.

Tous les êtres humains ne génèrent pas les mêmes émotions dans les mêmes situations. En effet les émotions sont quelque chose de personnel, qui est le produit de notre vécu, notre culture ou notre sensibilité.

Comment se prend une décision ?

Tout d’abord, une décision est un acte par lequel quelqu’un opte pour une solution ou décide quelque chose.

Ensuite, permettez-moi cette banalité, les êtres humains ne sont pas des machines, ce sont des êtres vivants dotés d’un esprit. Partant de là, il est souvent admis que l’être humain est doué de raison.

Je ne crois pas qu’il faille pour autant conclure que seule la raison joue un rôle dans la prise de décision. Si tel était le cas personne n’irait chez Mac Do, les boutiques d’aliment diététique ferait florès et les buralistes fermeraient. Bref tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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Platon, Kant et Descartes nous ont appris que la logique épurée de toute dimension affective mène à la solution d’un problème. Or nous savons maintenant que le siège de la raison dans le cerveau se situe dans le cortex préfrontal et que le siège des émotions se situe dans l’amygdale cérébrale. Nous savons aussi que les deux fonctionnent de concert pour que nous puissions faire un choix. Des études ont démontré que des patients lésés à ces deux parties du cerveau ne parvenaient plus à prendre de bonnes décisions, quand bien même l’expérience se répétaient. (Béchara et al., 1999) et théorie de Berthoz (2003).

Faire un choix implique d’évaluer les différentes possibilités ainsi que leur conséquence, mais aussi de savoir quelle conséquence est souhaitable et laquelle ne l’est pas.

Exemple : Je veux placer de l’argent. La raison permet d’évaluer quel placement permet un gain et quel placement risque une perte. Mais seul l’émotion permet de « savoir » que le gain est plus souhaitable que la perte. Donc une décision implique nécessairement raison et émotion. (Source ici)

Mécanisme de la décision

Tout d’abord il faut se trouver dans une situation de choix et être en mesure de définir plusieurs scénarios.

Après avoir établi si la situation présente un danger ou un intérêt (1er passage par les émotions), notre cortex (voir mon article sur le cerveau) se met en action. C’est en fonction de nos objectifs, de nos valeurs et de nos croyances que notre intellect émettra les scénarios possibles. Ensuite les émotions reviennent (2ème passage) pour discriminer les options et leur attribuer une « connotation » plus ou moins positive ou négative. Ces options vont ensuite dans une partie du cerveau qui déclenche des réactions physiologiques. C’est à ce moment que nous pouvons ressentir ce qui est souhaitable ou non. Le processus se poursuit jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une option.

Déclenchement de l’émotion

Un événement déclenche une émotion et cette émotion diffère selon nos motivations. La détermination de cette motivation dépend de nos valeurs, nos objectifs et nos préoccupations. Les émotions positives surviennent lorsque nos préoccupations sont facilitées par la survenue de l’événement. Ce sont donc nos préoccupations qui déterminent en grande partie l’émotion générée par l’évènement. C’est ce qui explique que les émotions sont différentes selon les personnes, alors même que la situation vécue est identique.

Le déclencheur émotionnel est personnel. Il dépend de 4 facteurs :

  • L’événement était-il attendu ?
  • Est-ce que l’événement est important pour vous ? (Sans caractère important, pas d’émotion)
  • Les implications de l’évènement vous concernent-t-elles ?
  • Quel degré de contrôle avez-vous sur la situation ?

C’est parce que les réponses à ces quatre questions sont propres à un individu donné qu’une émotion est quelque chose de personnel. Et c’est parce qu’elles sont subjectives qu’elles ne sont pas des réflexes.

Le déclenchement de l’émotion a pour effet de faciliter les processus d’acquisition, de stockage et d’utilisation des connaissances.

L’émotion conduit à une réponse émotionnelle et donc provoque l’action et le sentiment subjectif.

(Sources ici )

Vous comprenez maintenant pourquoi la raison pure ne permet aucunement de déclencher le mécanisme de la décision.

Merci de m’avoir lu.

Pierre-Favre Bocquet

 

 

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8 commentaires pour “Mécanisme de la décision

    1. L’émotion est une première étape, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit positive. Celui qui veut te vendre une porte blindé peut jouer sur un sentiment de crainte du cambriolage par exemple 😉
      La pub te fait associer un sentiment positif a un événement qui n’aurait pas eu de connotation émotionnel 😉

  1. Super intéressant ! Comme quoi, prendre de plus en plus conscience de nos émotions et être présent à ce qui se passe en nous peut nous éviter de nous faire avoir et de prendre des décisions hâtives ou dirigées par l’extérieur 😉

  2. L’émotion est en effet primordiale pour le prise de décision. Le pathos d’Aristote
    mais en interactions avec d’autres, l’ethos est très important. La combinaison Pathos et ethos (confiance, crédibilité) sera décisive. Par exemple dans le commercial.

  3. En effet j’avais vu un exemple qui est tout à fait ça.
    Quand la raison empêche quelqu’un de prendre une décision, on lui présente une page blanche pliée en deux en lui disant que la décision a été prise pour lui.
    Au moment de l’ouvrir, c’est l’émotion qui prend le dessus. Ce qu’il a ressenti (espoir d’un choix plutôt que l’autre) permet enfin aux émotions de participer au processus de décision 🙂
    Je n’aurais pas su l’expliquer mais ton article clarifie tout ça!

  4. Il me semble qu’il manque une dimension.
    L’émotion, pc’est aussi l’inconscient qui communique avec le conscient.C’est ce qui envoie un signal d’alerte à la conscience pour lui permettre de se connaître elle-même, de travailler sur les blocages, les non-dits, les traumatismes.

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