Vous dites “Sécurité routière” ? Je dis “Répression routière”. Et si c’était plus compliqué que ça…

Vous l’avez compris en lisant le titre, je considère que la sécurité routière est de la répression. Et plus j’y pense, plus je trouve que la répression routière devient de la persécution.

Mais le but de mon défi est de défendre une cause que je ne partage pas (pour comprendre cliquez ici). Dans ce onzième article du défi je vais donc défendre : la sécurité routière.

L’accident

« Denis est policier municipal dans une sous-préfecture de province. C’est lui qui est parfois derrière le radar pour contrôler la vitesse des automobilistes. C’est lui aussi qui est intervenu sur la voiture qui s’est enroulée autour d’un arbre mardi dernier. Il faisait beau, les oiseaux chantaient, la route était sèche.

« Enroulée », c’est le bon mot. La voiture fait maintenant le tour de l’arbre, pare choc avant contre pare choc arrière. Il a jeté un œil dans ce qui reste de l’habitacle, mais n’y a pas vu grand-chose.

Pourtant il sait qu’il doit y avoir quelqu’un « une voiture ça ne s’enroule pas toute seul autour d’un arbre ».

En voila donc encore un (ou une ?) qui ne rentrera pas chez lui ce soir »

L’intérêt des contrôles routiers

Tous les excès de vitesse ne sont pas comparables à celui-là. Toutes les infractions ne sont pas aussi graves que celle-là.

Certes.

Je pourrais vous faire le coup du « En même temps, il faut bien mettre une limite quelque part ! ». Et c’est exactement ce que je vais faire.

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

Mais avant laisser moi vous raconter une anecdote :

« Pendant la seconde guerre mondiale, les soldats américains faits prisonniers n’avaient pas la réputation de dénoncer leurs frères d’armes qui s’évadaient.

Pendant la guerre de Corée les soldats américains, faits prisonniers par les Nord-Coréens, n’avaient pas la réputation de dénoncer leurs frères d’armes qui s’évadaient. Ils étaient pourtant torturés et violentés.

Pendant la guerre de Corée les soldats américains, faits prisonniers par les Chinois, avaient la réputation de dénoncer leurs frères d’armes qui s’évadaient. Ils n’étaient pourtant ni torturés ni violentés. »

Pourquoi ?

Parce que pendant les interrogatoires, les Chinois commençaient par faire reconnaitre aux soldats américains que « tout n’était pas très bien dans leur pays ». Et puis, de fil en aiguille, « qu’ils y avaient des choses mauvaises dans leurs pays ». Puis « détestables ». Et ensuite « qu’en Chine il y a des choses bien », etc etc. Donc, petit à petit, les interrogateurs chinois rendaient les prisonniers américains « collaborateurs ». Tout ça, petit pas après petit pas. Le secret réside en ce qu’il faut y aller par étapes qui semblent insignifiantes au sujet.

Le rapport avec la sécurité routière ?

De kilomètre heure en kilomètre heure. De petite incartade en petite incartade. Puis, de petite infraction en gros délit, il n’y a qu’une suite de petites étapes.

« Plus il y avait d’interrogatoires pour les soldats américains, plus il y avait de progression dans les objectifs des Chinois. »

Du coup, plus nous avons l’occasion de commettre de légères « incartades », plus nous progressons vers de grandes… Et c’est là le problème. Nous prenons tous les jours la voiture, sans respecter à 100% le code de la route. Nous constatons aussi que ces petits écarts ne mènent pas à l’accident.

Ce constat nous renforce dans l’idée que le code de la route est inadapté. Il nous renforce dans l’idée que nous sommes à même de juger de sa pertinence. Par conséquent nous pensons légitime de repousser certaine limite pour qu’elles soient adaptées (vitesse, alcool, zone de dépassement, …).

A combien estimez-vous le prix d’une vie ?

« Nous avons du pouvoir sur ce que nous pouvons détruire »

Il y a un sentiment de force, de supériorité même à savoir que nous avons la possibilité de détruire quelque chose. Et il y a donc une grande responsabilité qui l’accompagne.

Je me fais la réflexion suivante de temps en temps quand je regarde mes enfants. « Ils sont tellement dépendants et vulnérables que si je décidais de leur faire du tort, il ne pourrait que le subir, dans une grande souffrance ».

Cette pensée m’émeut. Elle reflète la toute-puissance de « celui qui peut » sur « celui qui ne peut pas ». Et par conséquent je crois que « celui qui peut », « celui qui a un pouvoir sur quelques chose » doit avant tout s’en montrer digne. Et même, faire preuve de zèle.

Un accident c’est commettre l’irréparable

Le point commun entre mes enfants et « ces vies » dont je voudrais vous entretenir, c’est que, si nous avons le pouvoir de les détruire, nous n’avons pas le pouvoir de les reconstruire.

Il m’arrive, dans l’éducation de mes enfants, de leur enseigner que l’on a pas à abimer le bien d’autrui. Surtout si l’on est incapable de le réparer.

Comment je m’y prends ? Si par exemple mon garçon de quatre ans dessine sur un mur, je lui fais remarquer que j’ai vu son « dessin ». Puis je lui dis où lui fait comprendre que je suis triste. Et là je lui dis d’enlever ses traces de crayon (ce qu’il ne peut pas faire évidement). J’insiste en haussant le ton. Il comprend maintenant que je suis vraiment fâché. A ce moment il est embêté, alors je lui demande comment il va faire pour l’enlever ? Invariablement il me dit qu’il ne peut pas et s’attriste du tort qu’il a causé. Du coup je lui explique qu’abimer les affaires des autres, surtout si l’on ne peut pas les réparer, c’est une bêtise. Et devinez quoi ? Il n’a pas écrit souvent sur les murs.

Une vie humaine c’est cela, c’est quelque chose que l’on ne peut pas réparer. Et dans le cas d’un accident, c’est un handicap dont on laissera le soin aux autres de vivre avec.

La satisfaction de ne pas respecter le code de la route

De la sensation de maitrise…

Malgré tout, nous aimons rouler vite. Nous aimons cette sensation de maîtrise. Avouons-le, nous nous pensons capable de maîtriser cette tonne et demi de ferraille qui nous obéit « au doigt et à l’œil » depuis bien longtemps.

C’est vrai, nous sommes des pilotes expérimentés. Habitué à notre véhicule. Nous connaissons même parfois les moindres déformations de la chaussée. Cette connaissance qui nous rend apte à placer notre véhicule « où il faut, quand il faut ».

Nous avons, dans ces petites infractions du quotidien, notre petit moment de gloire où, l’espace d’un instant, nous nous sommes sentis supérieur/fort/intelligent. Nous avons satisfait ce petit besoin égoïste d’être différent des autres. Peut-être même avons-nous eu le sentiment de faire preuve de courage, de braver l’interdit. Ce faisant nous renouons peut-être avec le côté rebelle de notre jeunesse où nous aimions transgresser les règles. Celle de papa et maman, celle des professeurs.

… à celle de l’ignorance.

Mais rappelons-nous notre jeunesse. Quand nous avions 10, 15, 20 ans de moins.

Ne sommes-nous pas d’accord avec cet adage « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » ?

Avec le recul, la vie nous apprend que nous avons cru savoir des choses, mais qu’en réalité nous n’avions pas tous les éléments. Nous ne savions pas tout.

Alors oui, tous les jours nous constatons que ces petits arrangements avec le code de la route sont sans conséquence. Mais pour combien de temps ?

Inéluctablement ils nous mèneront à de plus gros. Et même si l’on pense en savoir assez, il y a sans doute des éléments qui nous échappent et nous font estimer fallacieusement que notre comportement n’est pas trop dangereux.

Donc finalement n’avons-nous pas tendance à troquer gros risques contre petit plaisir ?

Est-on compétent à juger soi-même les risques que l’on prend ?

Je dis « gros », non parce qu’à chaque excès nous risquons de tuer ou de blesser quelqu’un, ce serait faux. Je dis « gros » parce que dans chaque notion de risques, il faut considérer deux facteurs (et les lier entre eux). C’est deux facteurs sont « le danger » (autrement dit « ce qui fait mal ») et la probabilité de rencontrer ce danger. Donc c’est en connaissant ces deux éléments, en sachant les quantifier, et en les liant entre eux que nous pouvons penser avec raison que « ce risque peut être prit ».

Oui aux mesures de sécurité (et de répression) routière

L’Homme. Bon par nature ?

Etes-vous d’accord avec moi si je dis « L’être humain a tendance à en vouloir toujours plus et à abuser des privilèges qu’on lui donne » ?

Je pense que c’est cette tendance qui pousse certains à faire des malversations financières, d’autres à frauder les impôts, d’autres encore à accorder des « passe-droit » à leurs amis.

C’est le cœur déchiré que je dois reconnaitre que l’être humain n’est pas zélé à toujours faire le bien (votre serviteur en tête). L’être humain, et c’est naturel, aime « en avoir un peu plus que les autres », aime se savoir « un peu mieux, un peu plus malin que les autres ».

Un cadre pour la sécurité routière

C’est pour cela que je crois qu’il faut toujours un « cadre » pour définir ce qui est autorisé ou interdit. Dans le sujet de la sécurité routière ce cadre, c’est le code de la route. Et s’il existe il faut le faire respecter.

Peut-être me retorquera t-on que « cela est vrai, mais que ce sont les mesures qu’il contient qui ne sont pas adaptées ».

Comment juger de la sécurité routière ?

Et c’est pour cela que j’ai voulu attirer votre attention sur notre compétence à en juger.

Nous pouvons tous faire l’expérience suivante : « Choisissez un domaine où vous êtes compétent. Trouvez quelqu’un qui en connait un peu sur ce sujet. Présentez vous comme quelqu’un qui n’en connait pas grand-chose et posez des questions à votre cobaye. Vous allez constater quantité d’approximation, de raccourcis et de confusion ».

Ce que je vais dire est dur à entendre, et je sais que cela demande du courage et de l’honnêteté pour le reconnaitre, mais « qu’y connaissons nous vraiment à la manière dont sont décidés les réglementations routières ».

Qui les décide ? Sur quels critères ? Auprès de quels professionnels ? Après quel type de recherche, d’expérimentation et d’études ? Combien y a-t-il de personne qui se prononce sur l’implantation d’un panneau par exemple ?

C’est dur de respecter les mesures de sécurité routière

Alors, j’entend bien qu’il est difficile de respecter le code de la route.

Je vois bien qu’il y a certaine mesure que je ne comprends pas.

Je ressens bien ce sentiment d’ennui au volant quand la route et la voiture sont confortables.

Mais je constate aussi souvent, dans les domaines où je suis compétent, que bon nombre de personnes qui croient savoir… ont raison de continuer à s’instruire avant d’affirmer quelque chose.

C’est pour toutes ces raisons qu’il me semble judicieux de faire respecter le code de la route. Cela me coûte, c’est vrai. Mais après tout, si renoncer à ces petits plaisirs peut m’apporter la satisfaction d’être quelqu’un de bien, pourquoi continuer ?

 

Et vous ? Que pensez vous de la sécurité/répression routière ?

 

Pierre-Favre Bocquet

 

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5 commentaires pour “Vous dites “Sécurité routière” ? Je dis “Répression routière”. Et si c’était plus compliqué que ça…

  1. Le vivre ensemble nécessite des règles. Même si elles ne nous plaisent pas individuellement, elles sont en principe là pour garantir un maximum des besoins fondamentaux de chacun d’entre nous, parmi lesquels la sécurité

  2. Merci pour cet “article réflexion” Pierre Favre. J’ai beaucoup aimé l’anecdote historique. Personnellement une chose me fait dire que “ce n’était pas mieux avant”. Les statistiques : 17000 morts à la fin des années 70 contre 3000 aujourd’hui. Tand de vies “économisées”, tant de famille épargnées du mahleur vaut bien un peu de répression je pense ! Et puis à la différence de la TVS ce sont les coupables qui paient pas tout le monde :))

  3. La vitesse peut vraiment faire des dégâts irréversibles donc tous tes arguments sont vraiment valables pour sauver des vies. Après je t’avoue, je suis bien contente de ne plus avoir de voiture 😉

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