Non aux violences éducatives ordinaires !

Ce quatrième article de mon défi porte sur les violences éducatives ordinaires. Bien que je sois favorable à ce que les parents aient un « droit de correction », je m’appliquerai dans cet article à vous convaincre du contraire.

Alors je commence par vous dire : Non aux violences éducatives ordinaires !

Une histoire

Nous sommes vendredi, le dernier jour de votre semaine de travail. Vous avez déjà la tête aux préparatifs du weekend. Ce soir vous avez rendez-vous avec Cédric et Julie pour l’apéro. Vous les appréciez beaucoup, ce sont des amis d’enfance. C’est aussi aujourd’hui qu’est morte Emma. Elle avait 1 an et 5 mois. Elle est morte suite à la violence de ses parents.

Photo par Senjuti Kundu sur Unsplash

Tous les 5 jours, en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents. Cela fait 72 enfants par an.

Non ce ne sont pas des violences ordinaires, mais elles ont commencé par des violences ordinaires.

Un point commun à ces meurtriers :  Un “lien très fort entre violence conjugale et les violences commises sur les enfants a été confirmé”. En d’autres termes, tous les cas d’infanticides sont le fait de personnes qui frappent leurs enfants.

Les faits

Qu’est-ce que la violence ordinaire ? Il s’agit des gifles, fessées, tapes derrière la tête, pincements, etc…  de la part des parents envers leurs enfants. Ce à quoi il faut rajouter les punitions, humiliations, chantage, etc…

Elle est pernicieuse parce qu’elle vient « de la main même des êtres qu’ils [aiment] le plus au monde et qui [sont] leurs modèles. Ils [la subissent] à un âge où ils [n’ont] aucun moyen de la contester et où elle les [persuade] qu’ils [sont] insupportables et désobéissants de nature et qu’il [n’existe] pas d’autres moyens de les élever que de les frapper pour les «corriger» » (Olivier Maurel).

Ces actes de violences sont pratiqués par 84% des Français.

Le processus

Dans la grande majorité des cas ce sont les parents biologiques de l’enfant qui commettent l’irréparable. Ces meurtres arrivent dans la continuité de violences plus ordinaires, plus acceptables diront certains.

Le chiffre de 72 enfants tués tous les ans en France ne tient pas compte d’une autre réalité. Celle des enfants tués à la naissance ou ceux victime du syndrome du bébé secoué.

Rappelons également que les parents qui usent de la violence dans l’éducation, tiennent cette manière de faire de leurs propres parents . C’est d’ailleurs pour cela que peu de monde parvient à identifier justement ce qui est signifié par le vocable VEO (Violence Éducative Ordinaire).

Cet héritage est tellement ancré dans les mentalités que même de grands penseurs, psychanalystes, pédagogues ou psychologues, ne le mentionnent pas dans leurs ouvrages. Le fait qu’ils l’aient subi à une époque où tout le monde la considère comme normale, les ont conduits à le banaliser. Par conséquent sans identification du problème il ne pouvait y avoir d’action corrective, et donc d’amélioration de la condition de vie de nos enfants.

Seulement voilà, il y a eu une prise de conscience. Et nous savons maintenant ce à quoi mènent les violences sur les enfants. Je vous en propose un aperçu.

Résultats des Violences Éducatives Ordinaires sur l’enfant

Avant de vous les présenter j’aimerai vous poser deux questions :

  • – Doit-on chercher à protéger l’intégrité physique de tous les êtres humains ?
  • – Les enfants sont-ils des êtres humains ?

L’effet cocotte-minute

Les enfants apprennent des adultes les comportements qu’ils peuvent avoir. C’est pourquoi un enfant coutumier d’actes de violence les reproduit en grandissant. De plus les traumatismes que créent les violences infantiles sont à l’origine des comportements agressifs et violents lors de l’adolescence et à l’âge adulte.

Il faudra bien un jour que les enfants ayant accumulé colère et frustration se libèrent de cette pression.

Tous les ados ne font pas de crise d’adolescence. Regardez autour de vous, quel lien voyez-vous entre la violence adolescente et le mode d’éducation de ces jeunes gens ? Ceux qui sont éduqués dans la bienveillance, l’amour et l’attention ne sont-ils pas plus pacifiques que ceux victimes de colères, privations et châtiments ?

Les parents ne sont pas les seuls à payer leurs erreurs ; c’est la société qui va supporter ces êtres devenus violents.

L’empêcher de s’améliorer

En commettant des violences sur un enfant, vous le faites grandir avec un profond sentiment d’injustice. Ce sentiment d’injustice permanent crée un déséquilibre psychique.

Je m’explique : un enfant ne peut exprimer ses besoins à la manière d’un adulte, or bien des comportements à l’origine d’une sanction ne sont que la manifestation de l’insatisfaction de l’un de ses besoins. Donc, en le punissant, au lieu de comprendre et satisfaire ce besoin, vous créez chez lui un sentiment d’injustice.

Arrivez-vous à réfléchir sous l’effet de la colère ? Non, votre enfant non plus.

La colère qu’il ressent lorsque vous l’avez frappé l’empêche d’apprendre ce qu’il aurait pu faire pour ne pas rencontrer la situation problématique.

Les parents ont un rôle d’éducateur, alors ne privons pas nos enfants d’une opportunité d’apprentissage. Surtout sur un sujet manifestement important puisque que nous le corrigeons.

A moins que vous ne le frappiez simplement sous le coup de la colère ?

L’effet boomerang

Si vous usez des VEO c’est pour inculquer à votre enfant ce qui est souhaitable qu’il fasse ou non.

En frappant vos enfants vous ne vous rendez pas respectable. Tout au plus vous serez craint. Et, en grandissant, vos enfants prendront de la distance avec vous. Ils n’auront plus peur de vous. Ils ne voudront plus rien qui vienne de vous. Et, très probablement, ils rejetteront les valeurs que vous aurez voulu leur enseigner.

Qu’est ce qu’un enfant ?

Pour reprendre les termes de Serge Lebovici « [l’enfant] n’est pas un adulte en miniature, ni un animal à domestiquer. »

L’enfant c’est un être qui n’a pas la parole. A tout le moins, qui ne la maîtrise que partiellement. C’est un être en construction avec un corps qui change, des besoins et des pulsions, et qui vit dans un environnement complexe.

C’est en fonction de l’éducation qu’il aura ou n’aura pas, que ses potentialités seront ou ne seront pas gaspillées. Le but de l’enfant est de quitter le nid familial. Et, à tant faire, de devenir un adulte raisonnable, équilibré et autonome.

Bref ce n’est pas un jouet que l’on peut utiliser à sa guise. C’est un être qui a suffisamment de valeur pour que l’on s’accorde le temps de réfléchir aux implications de nos actes sur son développement.

Le degré de dépendance des enfants envers les adultes est tellement important, que je crois pouvoir estimer que, commettre une injustice envers des êtres aussi faibles relève d’une abomination exécrable.

Dites : non ! aux violences éducatives ordinaires

Je vous le dis tout net : les violences sur les enfants sont inacceptables.

Elles sont inacceptables parce qu’elles se font au détriment d’êtres faibles et dépendants.

Elles sont les premiers pas vers un horizon funeste.

Photo de Janko Ferlič – @specialdaddy sur Unsplash

Reconnaissons que nous ne sommes pas parfaits. Reconnaissons que nous faisons partie de ces tristes statistiques où 84% des Français corrigent physiquement leurs enfants.

Mais ce n’est pas une fatalité. Nous avons le droit de nous être trompé. Choisissons par contre de ne pas réitérer nos erreurs. Nous le pouvons parce que nous sommes des êtres raisonnables, doués d’intelligence et de sentiments. Nous aimons nos enfants, apprenons-leur à aimer.

Merci

Pierre-Favre Bocquet

Voici les autres articles de mon défi :

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https://apprendreaconvaincre.com/ouvrier-tu-ne-merites-que-ton-smic/

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7 https://apprendreaconvaincre.com/le-port-darme-en-france-vraiment/

8 https://apprendreaconvaincre.com/le-survivalisme-cest-absurde/

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10 https://apprendreaconvaincre.com/un-grand-oui-a-lelevage-industriel/

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10 commentaires pour “Non aux violences éducatives ordinaires !

  1. Merci pour cet article Pierre qui m’a donné le frisson. Ça me rend malade ces chiffres effrayants… et une question que je me pose, c’est comment réagir lorsque nous sommes témoins de VEO de la part de gens que nous ne connaissons pas ?

    Ça m’est arrivé il y a quelques semaines, devant une gare, de voir une femme donner une gifle violente en traitant une petite fille de 3-4 ans de tous les noms. Une autre dame a vu la scène, comme moi, et nous sommes restées atterrées quelques secondes avant d’échanger sur notre choc mutuel. Mais la femme et la petite fille étaient déjà parties…

    1. La question est délicate et pertinente!
      Ne pas réagir peut nous sembler lâche et/ou injuste; dans le même temps intervenir c’est s’octroyer le droit d’intervenir dans la vie privée d’autrui (pour une raison potentiellement grave, j’entend bien).
      Personnellement j’ai assisté à une scène similaire : un soir je croise sur le trottoir deux adultes et un enfant (j’ai supposé les parents et leur fils). Le père mettant une “rouste” à son fils. J’ai été très gêné et indécis dans le comportement à avoir. Je pouvais supposer beaucoup de chose mais sans avoir d’élément de réponse…
      Mais que faire ou comment réagir… j’ai bien peur de n’en rien savoir.
      Pour donner une tendance, mais qui n’engage que moi, je crois que ce sont les parents qui ont droit et devoir sur l’enfant dont ils ont la charge. Et qu’une personne extérieur n’a pas légitimité à intervenir sauf en cas de danger manifeste et immédiat pour l’intégrité de l’enfant. J’ai peur de ne pouvoir être plus précis…

  2. Coucou Pierre Favre,
    Merci pour ce post qui fait prendre conscience des conséquences de cette violence ordinaire que l’on a longtemps banalisée (Même chez les victimes : J’entends encore des ex enfants devenus adultes dire “je me ramassais de bonnes raclées mais je le méritais ça m’a aidé à grandir”). Dans les violences ordinaires, il y aussi les insultes, les phrases humiliantes (“t’es un bon à rien”),l’indifférence…Le cerveau d’un enfant est comme une éponge, il absorbe le bon comme le mauvais. Pour le meilleur et pour le pire.La violence et le stress limitent aussi son développement émotionnel et cognitif. Cela nous donne de quoi réfléchir à la manière dont nous voulons accompagner nos enfants !

  3. Merci Pierre pour cet article. Admettons que nous ne sommes pas des parents parfaits et faisons toujours de notre mieux, c’est ainsi que nous pourrons aider notre enfant à grandir et se construire.

  4. Merci beaucoup pour cet article!

    Ne plus banaliser les violences et aider à comprendre le fonctionnement de l’enfant (et de l’être humain en général) aux autres est clairement une mission de vie pour moi. C’est quelque chose qui m’inspire, mais épuisant également.

    J’aime cet article bien clair, qui reprend des faits. Je vais le partager de ce pas!

    Les enfants sont tellement plus que de petits êtres à éduquer lorsque l’on sait regarder avec émerveillement leur développement, leurs apprentissages, leurs façons propres à chacun de comprendre le monde.

    Je souhaite participer à créer un monde plus tolérant et empathique. Commençons par nos enfants et nous-mêmes. =)

  5. Ces chiffres font froid dans le dos effectivement.

    Tu n’auras pas réussi à me convaincre par contre. Et pour cause, j’étais déjà convaincue !

    Je ne m’y étais pas préparée (même pendant la grossesse je ne voyais l’éducation de notre enfant que comme la continuation de ce que nous avions eu. Mais le revirement a eu lieu lorsqu’elle est née.

    Et depuis, ce sont des remises en questions permanentes pour se demander si, à sa place, nous trouverions nos comportements justes ou pas. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est beaucoup plus facile de guider doucement la pulsion de vie d’un enfant que d’aller contre perpétuellement avec la punition (corporelle ou non d’ailleurs).

    Car comme tu dis, les enfants ne font pas de colère, ils sont “victimes de colères”. Leurs colères et celles de leur entourage.

    Sujet complexe en pratique, mais je suis vraiment contente de voir que les choses évoluent 🙂 et merci de participer à cette prise de conscience !

  6. Merci pour cet article fort même difficile à lire, j’avoue.
    78 % c’est dingue…ca fait réfléchir.. J’ai un bébé de 9 mois et je ressens parfois la fatigue et c’est l’agacement qui arrive juste derrière.
    C’est pour cela que quand je suis fatiguée, je prends du recul, je vais dormir et je me repose.
    L’équilibre des parents est important pour apporter le meilleur à son enfant.

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