Etes-vous fascinés par ces orateurs qui savent parler en public, tout en maintenant l’auditoire éveillé ? Personnellement, c’est mon cas. Quelles sont leurs trucs, leurs astuces ou leurs méthodes ? En un mot : Quoi travailler pour que vous puissiez, vous aussi, « Oser parler en public » ?
Que vous ayez une réunion à animer, une formation à rendre vivante ou un discours à prononcer, ces quelques points ne manquerons pas de vous intéresser.
La peur de parler en public
« La peur fait échouer plus de gens que n’importe quel fléau dans le monde » Emerson.
A priori si vous n’avez pas peur de parler en public, c’est que vous n’êtes pas prêt. Et si vous êtes timide et que celle-ci vous « empêche » de parler en public, vous avez là un superbe outil à travailler.
Les grands orateurs ont le trac
D’où vient cette peur de parler en public ? Face à un public qui nous observe, nous nous sentons vulnérables. Et plus nous avons du respect pour ce public et voulons performer pour lui offrir le meilleur, plus nous avons de raison de stresser. C’est pour cela que je vous dis « si vous n’avez pas peur de parler en public, c’est que vous n’êtes pas prêt ».
La grande majorité des orateurs qui n’ont pas d’estime profonde pour leur public produisent sur lui « l’effet réfrigérant d’un iceberg », pour reprendre les mots de Dale Carnegie.
Vous connaissez évidemment l’avocat Me Dupond-Moretti. Saviez-vous que pendant des années et à cause du stress, il a vomi avant de plaider ? En réalité lorsque nous voyons un conférencier, un avocat ou un Homme politique parler en public, ce que nous ne voyions pas, c’est son état de stress avant de prendre la parole.
D’où vient le trac ?
C’est une réaction physiologique. Elle se manifeste par l’oubli des mots que l’on veut dire, les mains moites, les jambes qui veulent se dérober, la voix qui tremble, …
L’excès de trac est problématique, c’est vrai. Son absence aussi. C’est l’équilibre entre les deux qui vous donnera la performance.
Concrètement vos sens perçoivent un « danger », celui de la foule qui vous scrute. Pour vous, l’enjeu perçu peut être votre carrière, votre image de marque, votre égo, … Pour votre cerveau l’enjeu, c’est la vie. Il interprète tous ces regards braqués sur vous comme une menace de mort. Mais qu’en est-il en réalité ?
Alors, vos sens envoient un signal de danger à votre amygdale cérébrale (c’est la région qui est charger de traiter les émotions). Celle-ci envoi le message à l’hypothalamus (qui est le « chef d’orchestre » du système nerveux). En parallèle votre corps sécrète une hormone (le cortisol) pour reprendre le contrôle de vos réactions tels que l’augmentation de la fréquence cardiaque, l’afflux sanguin vers les muscles, … Et c’est justement cet équilibre « action-réaction » qui va vous donner les moyens de performer. L’absence du stress ne déclenche pas le système et vous rendra ennuyeux et apathique ; trop de stress entraînera votre épuisement et la désorganisation de vos propos.
Anecdote : Dans mon métier de formateur j’ai remarqué une chose. Je suis plus efficace pour intéresser mon auditoire quand la formation précédente ne s’est pas suffisamment bien passée à mon goût. Lorsqu’une formation c’est très bien passé par contre, j’ai tendance à arriver à la formation suivante très (trop) serein, et là généralement je n’emporte pas l’adhésion.
L’explication de ce phénomène ? Le stress de rater stimule les capacités cognitives.
Vous n’êtes pas seul à avoir peur de parler en public
Vous n’êtes pas seul à avoir peur de parler en public, la glossophobie concerne environ 75% de la population. Cette peur provient généralement de l’absence de pratique. La part de personne qui n’ose pas parler en public est différente selon les cultures. En France, nous avons surtout la culture de l’écrit (dissertation, rédaction, …) et très peu celle de l’orale. Contrairement à d’autres cultures comme en Polynésie, aux Etats Unis ou en Amazonie, où la pratique de la parole en public est mise en avant.
Et puis, vous n’êtes pas seul … au monde ! Vous pouvez rater votre prise de parole et survivre. D’ailleurs si votre prise de parole est médiocre, vous serez juste oublié. Vous ne serez ni battu, ni exilé. Alors osez !
Les secrets de l’orateur pour oser parler en public
Osez ! Oui, osez la prise de parole en public ! Mais pas n’importe comment. Préparez-vous et apprenez quelques techniques.
La préparation
Pendant votre temps de parole, vous aurez l’exclusivité, le monopole de la parole. Votre auditoire ne peut que vous applaudir où, éventuellement, vous siffler. Il ne s’agit quand même pas d’un dialogue à sens unique car votre auditoire véhicule des signaux divers qui vous donne des indications sur la réception de votre message.
Une bonne préparation vous sera utile pour être efficace. Le maître mot est l’adaptation.
Adaptez-vous à :
L’état d’esprit du public
Est-ce que votre public vous connait ou non. Si ce n’est pas le cas, il a besoin de savoir « qui lui parle et « d’où il lui parle » ». Est-ce que le public va accueillir votre discours avec bienveillance ? Si tel n’est pas le cas, prévoyez du temps pour les huées et que la salle se calme. Votre public sera-t-il disponible pour vous écouter ou faudra-t-il l’interpeller, le « réveiller », l’apaiser, … ?
Le nombre de votre public
En petit comité vous pourrez vous permettre un ton plus « familier » en tout cas plus informel. Vous pourrez rechercher de la proximité. Sans promiscuité, le public n’est pas là pour ça.
Avec un grand public, un ton plus solennel va être mieux venu. Vous êtes là pour parler à tout le monde. De ceux qui vous connaisse à ceux qui vous découvre ; de ceux qui aiment la proximité à ceux qui aiment les convenances…
Le lieu et le matériel à disposition
Le décor a une influence sur les gens. Plus ce dernier fait « grande impression » plus les gens agiront avec retenue. Vous aurez alors affaire à un public plus distant, plus sage.
A l’inverse, un cadre plus familier permettra aux gens d’être plus détendu, plus à l’aise pour réagir. Vous y aurez un public plus « facile ».
Micro, pupitre, vidéoprojecteur, … le matériel viendra vous aider ou vous donner des contraintes supplémentaires. Ceci dit, ces contraintes peuvent être souhaitables. Si vous n’avez aucun support le public vous sait vulnérable, et globalement apprécie et fait preuve d’empathie. Le matériel peut capter toute votre attention et vous faire perdre le public. C’est pourquoi, je crois qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution, il y a juste la solution qui vous convient.
Le but de votre discours
Pour qu’une allocution se passe bien il faut être au clair sur l’effet que l’on souhaite. Veut-on expliquer, veut-on convaincre, veut-on faire passer à l’action, veut-on séduire, …
Une fois au clair sur le message que l’on souhaite faire passer, passons aux techniques.
Les techniques
Elles dépendent des buts de votre discours et nous aurons l’occasion d’y revenir sur le blog.
Mais globalement voici les ingrédients de la réussite :
Faites voir clairement votre projet
Votre public veut vivre votre idée. Il veut voyager avec vous, dans vos pensées. Pour lui faire vivre votre idée, il faut que vous soyez animé par votre projet, que vous soyez habité.
Le mieux pour cela, c’est de défendre quelque chose qui nous est cher, quelque chose en quoi l’on croit. Le plus efficace, c’est donc de parler d’un thème qui est important pour vous.
Pour moi c’est la liberté, c’est le droit de faire ce que bon nous semble, sans bien sur être égoïste ou imbu de sa personne. Mais je crois que le droit le plus fondamental de l’être humain, c’est d’être libre. Or nous sommes prisonniers de la manière dont nous prenons nos décisions. Alors ce blog, c’est pour moi l’occasion d’expliquer au plus grand nombre ce qui fait que nous sommes prisonniers de nos prises de décision. Et comment ne plus l’être.
C’est de trouver les images qui vont « parler » à l’auditoire. Partez des préoccupations de votre public et non de ce qu’il est facile pour vous de trouver comme exemple.
Intriguez votre auditoire
Trouvez une manière de rendre votre thème intrigant ou original.
Ne vous êtes vous jamais posé la question de savoir pourquoi, alors que j’ai une haute estime pour la liberté de choisir, j’enseigne la manière de convaincre …
Prenez exemple sur les meilleurs
Dans le « Gorgias » Socrate joue l’idiot qui prend sa leçon mais pose de piquantes questions à Calliclès.
Inspirez vous de discours historiques comme celui de Hugo dénonçant la peine de mort ou Martin Luther King dénonçant l’inégalité entre les Hommes blanc et les Hommes noir. Mais aussi un Charles de Gaulle dans son fameux « Je vous ai compris ! ».
Structurer votre parole
La plus commune des formes de discours est sans doute celle de Cicéron, que je vous développe ici.
En voici un résumé :
D’abord l’exorde, pour capter l’attention de votre public.
Puis la narration, c’est ici que vous exposez les faits.
Ensuite l’argumentation, vous venez renforcer, preuves à l’appui, votre thèse.
Vient après la contre argumentation, vous mettez à mal la thèse de l’opposition.
Et pour conclure la péroraison, vous résumez vos propos en laissant une bonne impression.
Les 3 fondamentaux
Aristote a dénombré 3 facteurs essentiels à tout orateur de talents. Un savant mélange des trois vous rendra irrésistible.
L’ethos, c’est votre légitimité. Le public va estimer votre légitimité à vous prononcer sur un sujet selon des critères comme votre expérience, vos études, votre profession, vos succès, votre popularité, … Il vous jugera aussi sur votre degré de désintéressement au résultat que vous souhaitez obtenir. Et prendra en compte ce qu’il voit (votre attitude et tenue vestimentaire) et ce qu’il sait (votre réputation).
Le pathos, c’est l’émotion que vous produisez. Le public a besoin de ressentir les choses. Il a besoin de « vibrer » avec vous, d’être emporté par une « élévation de l’âme » pour vouloir la même chose que vous. Sans passion, il n’y aura pas de passage à l’action ; et les passions, c’est le pathos.
L’ethos, c’est la crédibilité de celui qui parle, le pathos c’est ce qui fait accepter le discours.
Le logos, c’est la logique de vos propos. Ce sont les mots que vous allez choisir, et l’enchaînement logique de vos propositions et argumentations, qui donneront de la consistance à votre discours.
Méritez de parler en public !
Cher orateur, le public vous fait un grand cadeau. Il vous offre son temps et son attention. Ces deux notions tendent à se raréfier et à prendre de la valeur. C’est pourquoi, ils sont de plus en plus difficiles à capter.
Voici les clés qui ouvriront les portes de l’attention.
Soyez bref, foncez à l’essentiel, chercher le concret et le factuel. MAIS ! Illustrez vos propos par des anecdotes, des exemples et des citations. Tout en mettant du style, votre style. Inspirez vous des autres, oui, mais ne copiez pas. Vous êtes VOUS, et les gens vous veulent VOUS.
Bref : Osez parler en public !
La prise de parole en public, à l’instar d’un grand nombre de discipline, s’acquière par la pratique. Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire, trouver des occasions de parler en public, préparez vous et parlez. Vous n’avez pas besoin d’être excellent tout de suite. Être assez bon suffira pour un début.
Pierre-Favre Bocquet
Merci pour l’article très qualitatif !
De mon point vu, le mieux est de bien preparer ses supports et l’entraînement.
C’est clair ! Çà aide prendre confiance.
Méritez de parler en public ! Oh que oui !
Tout le monde n’est pas vraiment doué… j’étais la semaine passé dans une réunion importante, un grand soviet de centres de formation, nous étions 400 dans la salle, dans un auditorium de bonne taille. Venu de loin pour nous parler des nouveautés 2020 et de Qualiopi, un expert ! En cherchant bien, on dot pouvoir trouver un ou deux sujets plus barbants, mais il faut se donner du mal. Pour faire passer le commentaire des powerpoints projeté sur le grand écran derrière lui, monsieur l’expert se balançait d’un pied sur l’autre et n’arrêtait pas de dire “un premier pas comme ceci” et puis “un second pas comme cela”. Ca a duré très très longtemps, pour finalement pas nous apprendre grand chose, on sentait bien que monsieur l’expert était fier de sa trouvaille… avec le résultat que plus personne n’écoutait ce qu’il disait mais rigolait dans sa manche ou derrière son bloc… C’était pourtant un sujet important pour tout le public présent. Il avait raté son coup…
Merci de “l’image” que tu nous partage. Un effet raté, ça pique toujours un peu !
Super intéressant comme article! J’ai longtemps été totalement bloquée par la prise de parole en public. Depuis je m’améliore mais je garde un trac énorme avant le moment et je dors parfois très mal la nuit qui précède. Pour ma part, je fais un peu d’hypnose pour m’aider à vaincre cette peur et le côté préparation me rassure beaucoup 🙂
Intéressant cette piste de solution que tu nous propose. De l’hypnose ou de l’auto-hypnose?
Bonjour Pierre-Favre,
Ce qui me permet d’apprivoiser la peur de parler, c’est de m’entrainer à voix haute plusieurs fois avant. Vivre l’expérience dans mes “tripes” en gros. Le trac est toujours présent avant mais je me rends compte que cela permet d’ancrer les mots dans mon cerveau et de plus me focaliser sur l’énergie à transmettre le jour J.
J’aime bien les retours d’expériences comme les tiens, ça permet d’expérimenter des solutions 🙂
C’est un sujet très intéressant. Merci pour cet article. D’après les statistiques, parler en public est une des plus grandes peurs des gens. Mais c’est une expérience qui ne fait grandir 🙂
Oui tout à fait, on apprend beaucoup sur soi et lorsque les prises de parole sont réussi, on prend confiance en soi.
Pour avoir parler pendant un public d’étudiants, lycéens et collégiens pendant 9 ans, je te rejoins sur l’importance de rythmer et articuler son discours. Dans le cas d’un événement exceptionnel, comme un plaidoyer, une conférence ou un discours, je crois aussi que bien se préparer est une clé : visualiser, répéter et e^tre au clair (comme tu le dis) sur ce que l’on veut transmettre comme message.
Merci pour le partage de ton avis, qui s’appuie sur l’expérience en plus 😉
Excellent article Pierre
Cet art est une compétence et une habileté nécessaire à l’édification de la crédibilité et de l’expertise perçue que les gens se font de nous
À vite
Merci Emmanuel, surtout que c’est un domaine que tu connais bien !