Structurer son discours

Fondamentalement, vous n’avez droit à rien. Sauf, à ce que vous savez défendre. Et dans nos sociétés civilisées, la seule arme de défense est notre capacité à convaincre. D’où cet article sur la structure d’un discours.

A quoi sert le discours ?

D’après Robert, un discours est un développement oratoire que l’on fait devant un groupe de personnes. C’est aussi l’expression verbale de la pensée.

Partant de là nous sommes tous susceptibles de discourir. Discourir (toujours d’après Robert): parler sur un sujet en le développant longuement.

Du repas de famille aux relations professionnelles en passant par les discussions entre amis, il arrive que soient abordées des causes qui nous tiennent à cœur.

Alors votre verve peut servir à plaire, émouvoir ou convaincre. Mais aussi à plaire, émouvoir ET convaincre. C’est l’exigence que vous aurez à trouver la juste expression, qui vous permettra d’atteindre l’âme ou la raison de votre interlocuteur.

Parler

Parler, nous savons le faire depuis bien longtemps. Cependant notre « bien aimée » éducation nationale nous a surtout appris (formaté ?) à disserter. Or ce n’est pas l’écrit que nous utilisons quotidiennement, mais la parole. C’est de nous exprimer et d’improviser en public dont nous avons besoin.

Lâcher des phrases au hasard en se disant que …  peut-être  … une ou deux atteindrons leur but, c’est un gribouillage de l’oralité. Entre le crayonnage maladroit d’un enfant de trois ans et la calligraphie, il y a l’écriture. Entre les balbutiements de l’enfant de deux ans et la force de conviction d’un avocat lors de sa plaidoirie, il y a la parole commune. Reste la question : quel est votre objectif dans la vie : progresser ou régresser ?

Photo par Helloquence sur Unsplash

Structurer son discours : pour manifester l’expression de soi ou pour manipuler, les deux sont possibles. Pour le pire ou pour le meilleur donc ? Non, je ne le crois pas. Car la manipulation n’est pas toujours intentionnellement mauvaise et l’expression de soi n’est pas toujours légitime.

Alors, bien parler, c’est mettre sous les yeux de votre auditoire ce qui est évident.

Pourquoi structurer son discours

Pour qui veut convaincre, il convient de s’écarter du vagabondage de la discussion. Laisser libre court à ses digressions et voler au grès de répliques aléatoires risquent de donner de solides prises à qui veut vous discréditer ou vous combattre.

Mettez vous votre slip après votre pantalon ? Non bien sûr, et pour un discours c’est pareil. Chaque élément de langage à une place efficace et pertinente. Pour un ensemble cohérent et efficace, il faut prendre le temps de la réflexion. Organiser ses idées, les clarifier et fixer un cadre. Bref, faire un plan.

Discourir c’est s’exposer

« Dis-moi comment tu parles et je te dirais qui tu es ». Votre parole vous trahit. Elle est un marqueur social redoutable. Il est difficile de différencier l’homme de lettre de l’idiot lorsqu’il s’agit d’écouter. Par contre, quand vient le moment de parler, la manifestation de la compétence est flagrante. Et la discrimination n’est jamais loin.

Dès lors que vous ouvrez la bouche pour parler, vous vous exposez au jugement de l’autre. Vous y mettez votre personnalité et vos croyances. Le discours est une prise de risque, particulièrement dans notre société où l’information circule de manière virale.

Si c’est pour prendre des risques et subir critiques et quolibets, pourquoi faire un discours me direz-vous ? Pour faire triompher vos idées. Transmettre vos valeurs. Et, comme dit Me Périer « Prenez votre part dans le débat public, sinon il se jouera sans vous ».

Comment structurer son discours

Les manuels de rhétorique s’accordent globalement sur le plan suivant :

  • Exorde
  • Narration
  • Confirmation (argumentation et contre argumentation)
  • Péroraison

L’exorde

Il s’agit du premier temps de votre discours. Il vous faut attirer la bienveillance et provoquer l’intérêt. C’est un moment critique pour asseoir son Ethos (l’Ethos est ce qui vous rend légitime sur un sujet donné).

Il existe plusieurs types d’exorde. Un très en vogue ces dernières années consiste à créer la surprise. Elle peut être créé en évoquant un sujet apparemment sans lieu avec la thèse que vous allez défendre, et à rendre cette évocation pertinente. Il est possible de rendre un hommage à ceux qui vous écoutent ou à celui qui vous a confié la parole. Il est également possible de manifester directement l’importance de l’enjeu.

Beaucoup de déclinaisons de l’exorde sont possibles. En effet, il varie en fonction de la personnalité de celui qui l’énonce, mais aussi du sujet, du contexte, des caractéristiques de l’auditoire et de bien d’autres choses.

La narration

C’est le récit des faits. Cependant ce récit ne doit pas être objectif. Le but de cette narration est de préparer le terrain vers ce à quoi vous voulez convaincre.

Soyez convaincus des propos que vous tenez. Votre conviction vous rend crédible. D’autant que dans un débat, le locuteur “peut être tenu de croire sincèrement à l’acceptabilité de la proposition qu’il exprime” (La nouvelle dialectique).

Vivre vos émotions va vous permettre de les transmettre à votre auditoire. C’est par le biais de l’empathie que vous transmettrez l’injustice d’une situation, sa laideur ou son abomination. Depuis que l’être humain s’est constitué en groupe sociaux, il a développé cette faculté à ressentir au fond de son être les émotions qu’il perçoit chez l’autre. Exprimez votre colère pour faire ressentir la colère. Exprimer votre tristesse pour le faire vivre chez l’autre. Et surtout, pensez à varier les émotions.

Nos émotions principales sont la colère, le dégoût, la joie, la tristesse, la peur et la surprise. C’est l’alternance de ses sentiments qui rendra votre discours vivant !

La narration doit faire transparaître l’enjeu. Elle est le terreau de la confirmation.

La confirmation

Cette partie du discours est parfois scindée en deux. Avec l’argumentation d’une part et la contre argumentation d’autre part. Cette dernière étant parfois omise.

Photo par Allef Vinicius sur Unsplash

L’argumentation

La confirmation est le moment où vous annoncez les arguments favorables à votre thèse. Ces arguments découlent de votre narration, ils en sont l’aboutissement logique.

C’est la partie critique de votre discours car c’est le moment ou vous devez faire basculer vos interlocuteurs. Pour maintenir leur attention il est essentiel de donner du relief à votre propos. Vous pouvez utiliser des figures de style, des punchlines, de l’humour, des gestes, …

Ayez en tête ces deux notions : L’esprit humain peine à rester attentif à un même sujet plus de 25 minutes ; les questions arrivent au bout de 3 minutes.

Les arguments sont les outils de prédilection pour effectuer cette bascule. (cf mes articles argument valable 1/2 et argument valable 2/2). Votre argumentation doit être clair. C’est pourquoi il est judicieux de les annoncer et d’accompagner l’auditeur dans l’avancement de votre argumentation. Pour une bonne efficacité de celle-ci, il est conseillé de mettre en premier et en dernier les arguments les plus percutant, et au milieu ceux un peu plus faible.

La contre argumentation

Aussi appelé réfutation, elle permet de démontrer que votre opposant a tort. Vous pouvez mettre en exergue la fausseté de la thèse adverse ou pointer son insuffisance. Deux possibilités s’offrent à vous : remettre en cause les prémisses ou remettre en cause la déduction que votre opposant tire de ces prémisses.

Exemple : Les hommes conduisent plus que les femmes et ont moins d’accident, donc les hommes conduisent mieux que les femmes. Je peux réfuter une prémisse : « Il est faut que les hommes ont moins d’accident », ou réfuter la conclusion « D’autres paramètres sont à prendre en compte pour juger de la qualité de la conduite, donc cette conclusion est nulle et non avenue ».

La péroraison

C’est la conclusion de votre discours. Il convient de synthétiser vos propos pour résumer et appuyer une dernière fois les points principaux.

C’est un moment de prédilection pour le Pathos (le Pathos est l’utilisation des sentiments), créez de l’affect, réveillez la passion !

La péroraison c’est le moment où vous tirez les conclusions de votre propos, de manière à ne laisser aucun doute, aucun flou. Soyez clair, et même limpide.

Alors que votre discours soit un éloge, un plaidoyer, une harangue ou un pamphlet, pensez bien que sa réussite dépend de votre préparation…

Merci de m’avoir lu

Pierre-Favre Bocquet

Sources

La parole est un sport de combat

Introduction à l’art de la plaidoirie.

Wikipédia

 

 

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8 commentaires pour “Structurer son discours

  1. Un sujet très intéressant car pour avoir enseigné dans le système français et été élève dans le système scolaire français, anglais et italien, je peux assurer avec certitude que la manière de structurer sa pensée et son discours n’est absolument pas transmise à l’identique selon les cultures.

    A mon sens, puisque l’objectif est de transmettre un message, il est important de savoir à qui l’on s’adresse et comment notre message peut être reçu, quitte parfois à sortir de notre zone de confort en matière de structure pour s’assurer que le message arrive bien aux destinataires

  2. Merci Pierre-Favre pour ces rappel de l’art oratoire
    il est vrai que la terminologie a changé entre-temps dans le monde du management, mais il est bon de se pencher sur les classiques.
    Bien à toi…

    PS : le pantalon avant ou après le slip… ?

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