Les ingrédients pour convaincre

Convaincre autrui, c’est construire, et pour toute construction, il faut des matières premières. Si vous voulez faire un bon gâteau, il vous faut de bons ingrédients. Eh bien, pour convaincre, il vous faut aussi de bons ingrédients.

Photo de Katarzyna Grabowska sur Unsplash

Finalement convaincre, c’est construire dans l’imaginaire de l’autre ce que nous avons dans nos pensées. C’est par notre expression, verbale et non verbal, que nous transposons le fruit de notre imagination à celui qui vous écoute.

L’objectif va être qu’il se représente les choses, et qu’il les ressente comme nous. En effet quoi que l’on aime s’imaginer, ce sont les émotions qui guident notre raison et pas l’inverse.

S’intéresser : 1er étape pour convaincre

Ayez toujours en vue les gens à qui vous parlez. La priorité c’est eux. La première erreur de celui qui veut convaincre, c’est de penser à lui et à ses objectifs. Personnes ne vous écoutera avec attention si vous parlez de vous, exception faites de ce qui donne vie à vos propos. En effet, personne ne s’intéresse à des propos impersonnels ou désincarnés. Alors pour convaincre, il vous faut lever une part du voile de votre personnalité, ou pour mieux dire : de votre singularité.

Un être humain sera attentif si vous lui parlez : de lui (complimentez le), de ce qui l’intéresse (ses valeurs ou ses loisirs) ou de ce qui le préoccupe (ses problèmes).

Eux-mêmes

La chose que nous aimons le plus entendre, c’est notre prénom. Ce qui nous favorise c’est lorsque les autres parlent en bien de nous. C’est pour cela que nous aimons être au contact de ceux qui nous apprécient et nous aiment. Auprès d’eux nous nous sentons importants.

De l’égoïsme ? Peut-être. Un besoin de nourrir son estime de soi ? Sans aucun doute. Le besoin de surgonfler son Ego ? Pour certains oui.

« Il y a peu je discutais avec un ami (que j’appellerai Patrice). Ce dernier me fait état d’une mésaventure qui lui est arrivé la semaine précédente. Une de ses connaissances est venu lui rendre visite et est resté plus d’une heure à « lui tenir la jambe ». Pendant cette heure de « monologue imposé » ce visiteur n’a cessé de se faire valoir et de vanter ses compétences. Patrice me raconte ça, en regrettant qu’il y ai des gens a ce point imbu d’eux même. Ce qui l’a gêné, c’est d’avoir perdu son temps à écouter des propos inintéressants (et probablement exagérés).

Photo de Miguel Bruna sur Unsplash

Je ne connais pas son visiteur mais je suis bien certain que celui-ci a beaucoup apprécié sa visite chez Patrice. Pour la simple raison qu’une oreille attentive a entendu ses louanges ».

Soyez votre auditoire / votre interlocuteur

Abattez les barrières qui vous séparent de ceux qui vous écoutent. Vous êtes comme eux, vous êtes l’un d’eux. La distance qui vous sépare vous empêche de convaincre. Pour se laisser pénétrer par le discours d’un orateur, il faut pouvoir s’identifier à lui. La raison en est simple : nos certitudes nous sont chères et les abandonner, c’est abandonner une partie de nous-même. Adopter les affirmations d’autrui, c’est accepter en soi une part de l’autre, ce n’est possible que si l’autre ne nous indispose pas.

 « C’est facile pour vous de nous dire que l’on a toujours le choix, vous n’avez pas d’enfant ! »

Cette phrase cinglante m’avait été adressé alors que j’étais jeune formateur, par une maman de trois enfants.

Je vous situe le contexte.

Un jour de la semaine, en région strasbourgeoise (du coté de Schiltigheim pour ceux qui connaissent), j’anime une formation sur le thème de la santé au travail. Le but de cette formation est d’adapter ses habitudes de travail pour moins impacter sa santé au travail.

La formation se déroule assez difficilement, je comprendrais plus tard pourquoi. Le sens de mon propos était de faire prendre conscience de nos choix quotidiens et de l’impact qu’ils ont sur notre santé.

Mon discours ne passe pas, les stagiaires ne se sentent pas en capacité de choisir. Leurs propos consistent à dire que seul leur employeur est en mesure de changer leurs conditions de travail pour préserver leur santé. Qu’ils n’ont pas le choix. Qu’ils sont bien obligés de travailler. Et que s’ils n’ont pas le choix, c’est « parce que les temps sont durs », « parce qu’il y a des factures et des scolarités à payer », « et que les impôts sont trop lourds » … Bref, moi je leur réponds « On a toujours le choix » (sous-entendu dans ma tête, « si la situation est si pénible, il convient de la changer, et si toutes les situations qui peuvent survenir sont pire, c’est peut-être que la situation actuelle n’est pas si catastrophique).

Et là, vous l’avez deviné, une dame me répond « C’est facile pour vous de nous dire que l’on a toujours le choix, vous n’avez pas d’enfants ! »

Mon erreur ? Je ne m’étais pas adapté à eux. J’étais resté « au-dessus d’eux », j’apportais des solutions sans avoir pris en compte l’ensemble de leurs problèmes. Bref, je me suis mangé un râteau dans les dents, et c’est ça, qui fait qu’on s’améliore. « Essai-erreur » : la meilleure pédagogie qui soit. Mais chaque erreur est un apprentissage! (Et je peux vous dire qu’après avoir dégusté des râteaux durant mes jeunes années de formateur, j’ai eu tôt fait de corriger le tir, et de m’adapter à mon public). »

Pour convaincre, incluez votre auditoire dans vos propos.

Fuyez le monologue, cherchez l’interaction. Nous l’avons dis, votre auditoire est là pour lui, pas pour vous. Même dans un One-man-show, le public est là pour son plaisir et pas pour un Bigard, Debbouze ou Gad Elmaleh. Intriguez votre public, questionnez-le, faites-lui tenir un rôle actif.

« Vous avez déjà parlé à des banquiers dont le cœur de cible est la gestion de patrimoine et les entreprises qui génère plus de 50 Millions de CA ?

Imaginez la scène : un p’tit gars de 25 ans, prolétaire moyen sans goûts vestimentaire, se pointe devant la devanture d’une banque. Elle se trouve au rez de chaussé d’un immeuble de style néo-renaissance dans le quartier de Neustadt à Strasbourg. Et devinez quoi, c’est lui qui va former les banquiers, ces messieurs en costard-cravate, portant montres et boutons de manchettes d’une valeur sans doute équivalente à la voiture personnelle du dit prolétaire moyen.

Ce qui se passe dans ma tête à ce moment-là ? Je crois que je l’ai oublié (le cerveau efface de la mémoire les moments pénibles, je le confirme). Quoi qu’il en soit je suis au pied du mur, impossible de faire un retour en arrière, pleurer ne me sauvera pas. Alors, perdu pour perdu, je tente mon va-tout. Je me dis « J’en ai rien à foutre, j’y vais, je les traite comme des amis, je parle normal, et surtout je questionne, je fais parler, je fais rebondir. » Et bien devinez quoi ! La formation c’est super bien passé. Je les ai tellement inclus dans mes propos, et surtout ils ont tellement participé qu’ils ont étaient ravis de ma formation. »

Le maître mot pour convaincre ? L’humilité.

Ma plus grande force ? Mon complexe d’infériorité et mon manque de confiance en moi. Oui je sais, beaucoup de mes proches me voient comme « bilieux », « déterminé », « fonceur », … Je réponds : « Rien du tout ! ». Toujours dans le doute, toujours à penser que l’autre à raison, toujours à penser que l’autre sait mieux que moi. Voilà ma force : l’écoute et la compréhension.

Soyez humble et on n’attendra rien de vous. Alors vous ne pouvez que surprendre en bien. Mieux ! Ecoutez les autres, comprenez leur propos, assimilez leurs savoirs, digérez leur connaissance et parlez quand on vous le demande. Voila la recette. L’humilité vous mènera loin car elle vous rendra agréable, digne d’intérêt et attrayant.

Mais ne forcez pas, ne faites pas semblant! L’être humain est très fort pour ressentir les faux sentiments. Nous avons une sorte d’instinct, de détecteur de mensonge, qui nous fais fuir des personnes qui semblent « bien sous tous rapport », « digne de confiance » mais que « nos tripes » ne peuvent se résoudre à accepter. Soyez faux avec les autres et immanquablement vous finirez seul au bord de la route…

Intéresser : 2ème étape pour convaincre

Pour capter l’attention et la conserver, il faut que votre auditoire y trouve son intérêt. Pour convaincre, il est indispensable que celui qui écoute soit gagnant. Peut-être même le gagnant ! C’est exactement comme dans la vente. Le vendeur doit vendre moins cher que ce que le produit va donner au client, car si ce n’est pas le cas le client ne peut pas envisager un bénéfice.

Dans le cas qui nous intéresse, il est donc nécessaire que votre auditoire trouve plus que de simple parole. Il veut y trouver de l’inspiration, du rêve, des solutions, du savoir, des conseils, … en tout cas il ne veut pas de parole en l’air, de divagation, d’auto-louange, …

Confiance

S’ouvrir aux pensées de l’autre, c’est se rendre vulnérable. Je crois que personne ne peut être assez fou pour se rendre vulnérable à quelqu’un à qui il ne peut se fier. La pensée est le dernier refuge d’un être humain, c’est son bien le plus précieux. Il y a plus de chance que quelqu’un vous donne les clés de sa maison que celle de son psychisme.

Photo de Jessica Yong sur Unsplash

L’être humain a développé plusieurs stratagèmes pour empêcher la pollution de son esprit par les idées d’autrui. Ce sont la méfiance, l’ennui, l’aversion, le scepticisme, … Si vous faites tomber ces barrières la voie pour convaincre vous est ouverte. Abusez de vos compétences et vous repartirez de plus loin que zéro.

« Bourré en cours de géo !

C’est l’état dans lequel nous étions un début d’après midi de l’année 2004

En 2004, j’étais en Seconde dans un lycée professionnel Costarmoricain. De mémoire le jeudi après midi nous avions une demi-heure de cours de géo en demi classe. Je vous laisse deviner que nous n’avions pas grand-chose à faire de ce demi-cours en demi-classe dans ce que nous considérions comme une demi-matière. Et puis il faisait beau. C’était un des premiers beaux jours de printemps, alors franchement aller boire quelques bières dans un parc non loin du lycée, c’était tentant. Bref de fil en aiguille, ou plutôt de cannette en cannette, l’alcoolémie est montée. Tout ça pour vous dire : on était bourré en cours de géo.

Le prof l’a capté (la bière ça fait pisser…). C’était un chic type ce prof, du genre qui aime sa matière et ses élèves, qui s’implique pour être clair, intéressant et humain. Jamais laxiste mais toujours prêt à la compréhension. Eh bien devinez ? Depuis ce jour il ne nous a plus fait confiance. Plus moyen de le convaincre de notre bonne foi lorsqu’un devoir n’était pas fait ou que nous arrivions en retard.

La confiance, c’est la porte d’entrée de la persuasion. Et comme toute porte elle peut se (re)-fermer. »

Gagner une manche

Mettez quelqu’un sur la défensive et vous aurez perdu toutes vos chances de convaincre. C’est une simple question d’amour-propre. Nos idées importent moins que notre amour propre, et c’est ce dernier que nous cherchons à protéger quand nous prétendons défendre nos idées. Selon le fameux principe d’action-réaction, si vous attaquez quelqu’un, il se défend. Si vous lui manifestez de l’attention, il en fait de même.

Alors, pour convaincre mettez votre interlocuteur dans une situation ou il vous dira « oui » librement. Ce « oui » le mettra dans des dispositions favorables pour la suite de vos propos.

Le « oui » et le « non » sont plus que de simple mot. Ils sont la manifestation vocale d’un état d’esprit avec tout ce que sous-tend cet état d’esprit (plaisir/déplaisir, tension/détente, …). Et bien que l’option d’un « non » puisse donner certain avantage, voir ici, l’escalade du « oui » est bien plus efficace. Nos amis les vendeurs s’en font parfois les experts…

Ayez envie de convaincre. Ayez réellement envie de convaincre !

Si vous vibrez de tout votre être la cause qui vous tient à cœur. Si vous la transpirez par tous les pores de la peau, vous aurez la force nécessaire pour convaincre.

Photo by Helena Lopes on Unsplash

C’est votre enthousiasme qui va rendre cohérent le véhicule de votre message : les mots, la voix, la prosodie, les gestes, … Votre enthousiasme va se propager. Les neurones miroir ne sont pas étrangers à l’affaire. Ce sont des neurones qui s’activent lorsque vous voyez une personne exprimer une émotion, et en s’activant vous font ressentir à vous aussi cette émotion.

« Je me rappelle de certaines formations que je me sentais illégitime à animer. La raison vient du fait que j’ai besoin d’en savoir beaucoup plus que ce que j’enseigne pour me sentir compétent. Les retours que j’avais sur ces formations démentait mon ressenti. Ils étaient excellents ! Pourquoi ?

D’abord parce que j’étais compétent bien sûr. Ça ce n’est pas moi qui le dis, c’était mon employeur et mes collègues. Mais aussi, et surtout je pense, que je m’immergeai complètement dans mon rôle de formateur. Je m’y immergeai tellement que j’avais plus à voir avec un rôle d’acteur qu’un rôle d’animateur. J’avais tellement besoin de ne pas perdre la face (cela à sans doute à voir avec ce manque de confiance en moi que je suis fier d’entretenir) que je me devais de dépasser mes appréhensions et pulvériser ma zone de confort. Bien m’en à pris, ces expériences ont payé ! 

Nous avons parfois besoin de coup de pied au cul, et celui-là m’a envoyé en orbite.

Dans cet exemple, non seulement j’avais envie de réussir (quand j’anime une formation, je suis là pour apporter une Valeur Ajouté), mais j’avais aussi réellement envie de réussir (parce que j’avais besoin de sauvegarder mon estime de moi-même). »

Accordez de la valeur à ceux qui vous écoutent

En réalité, il ne s’agit pas tant de leur accorder de la valeur que de reconnaitre leur valeur.

« Personnellement j’ai toujours du respect envers la personne que j’ai face à moi. Pour la simple raison que c’est un être humain. Je peux être en désaccord profond avec ses valeurs, ses propos ou ses habitudes, je respecte toujours ce qu’elle est intrinsèquement parlant. »

Pour convaincre, il faut être en mesure de dialoguer. Et, parce que chacun a le sentiment de sa propre valeur, en blessant votre interlocuteur vous fermez les canaux de communication. A l’inverse, en accordant du respect et de l’attention à celui qui vous écoute, vous lui permettez d’avoir de l’estime pour lui-même. C’est d’ailleurs pour cette raison que je réalise ces deux défis : mon défi et Dissoï Logoï.

Vous n’avez pas d’ennemis, vous n’avez que des amis

Convaincre, c’est implanter chez l’autre une graine qui portera les fruits que vous aimez. Comment voulez-vous convaincre si vous arrivez avec vos gros sabots et dites « Voilà, c’est ça que tu dois penser/faire/dire » ?

En faisant ça vous exacerbez vos différences, vous montrez vos désaccords, vous manifestez votre inimitié.

Au contraire, faites plutôt un parallèle avec ce qu’a déjà admis votre ami. Oui, traitez-le en ami.

Photo de Yanapi Senaud sur Unsplash

« 8 !

C’est le nombre de points que j’aurais dû perdre sur mon permis de conduire en plusieurs occasions. Le point commun de ces infractions, c’est que j’ai été arrêté par les forces de l’ordre. Sinon vous pensez bien, j’aurai dû en perdre plus !

Il y avait une interdiction de tourner à gauche : 4 points. L’usage de téléphone tenu en main : 3 points. Se rabattre sur les zébras 1 point. Ah oui, et ils ont été cool parce qu’avec le téléphone tenu en main j’avais « un peu » refusé d’obtempérer. Comme quoi, les forces de l’ordre c’est pas que des b….ds.

La raison principale de leur clémence ? Plusieurs choses sans doute, mais en partie de les avoir vu en amis et non en ennemis. 

Alors pensez-y la prochaine fois ; votre pire ennemi est un ami. Mais soyez toujours sincère »

Ne pas s’aliéner les gens est capital. Pour convaincre il est bon de partir de ce en quoi ils croient et de le développer jusqu’à votre point de vue.

Merci de m’avoir lu

Pierre-Favre Bocquet

Partager l'article :

4 commentaires pour “Les ingrédients pour convaincre

  1. Je ne sais pas s’il faut avoir envie de convaincre ou simplement avoir la discipline d’enseigner seulement ce auquel toi tu crois, et l’incarner.
    Éduquer n’est pas convaincre, c’est apprendre à réfléchir.
    Commencer par se présenter, certes, puis comprendre qui est l’autre.
    C’est là que c’est le plus difficile.
    Il y a un biais de la pensée qui nous ramène toujours vers ce que l’on connaît déjà.
    Personnellement, je me méfie comme la peste de croire que je sais ce que l’autre pense, car je me suis beaucoup plantée en faisant comme ça.

  2. Je suis en train de lire “Les 7 habitudes de ceux qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent” de COVEY (super, d’ailleurs, je te le recommande) et il te rejoint sur l’importance d’écouter attentivement l’autre avant de vouloir vraiment se faire entendre à son tour. D’après lui, il n’y a que quand tu as vraiment écouté et compris l’autre que tu peux te montrer convaincant (car forcément beaucoup plus empathique).

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *