Les sophismes 1/3

L’article « 7 arguments malhonnêtes que vous devriez connaitre » vous ayant plu, j’ai pensé qu’en écrire un pour vous apprendre ce qu’est un sophisme vous comblerait. Un mauvais argument et votre débat s’engage mal! Venez avec moi, je vous accompagne dans la chasse aux sophismes…

Un sophisme ! Qu’est-ce donc ?

Les sophismes sont des propos tenus qui ont une apparence de logique ou de rigueur. Ils n’ont pour eux que leur apparence car en « grattant » un peu vous vous rendez compte que le raisonnement est faux, sans fondement ou que l’on quitte l’objet du débat. Bref, je vous propose de voir ce à quoi il faut faire attention pour que le débat reste centré sur son propos.

Les règles que je vais énoncer ici proviennent de l’ouvrage « La nouvelle dialectique », que je vous présente ici. C’est un livre très riche d’informations sur lequel je reviendrai. En effet, en vous appuyant sur son contenu, vos argumentations ne laisseront que peu d’aspérité à votre adversaire. En même temps, appliquer toutes les méthodes présentées dans ce livre me semble être un travail de plusieurs années.

Un sophisme peut venir d’une erreur sincère mais aussi d’une intention délibérée. Dans les deux cas, être en mesure de les repérer permettra d’avancer avec méthode, sans gaspiller son temps et son énergie.

Les bases d’un débat

Avant tout débat, il convient de s’entendre sur les points de vue que l’on partage et sur celui dont on veut discuter.

Prenons un exemple : deux personnes débattant sur le thème du « droit des femmes ». Il peut y avoir plusieurs niveaux de désaccords. Ce peut être sur le fait que les Hommes et les Femmes soit fondamentalement différent ou non. Ou ce peut être sur le fait qu’il est normal que les Femmes aient accès, comme les Hommes, aux postes à responsabilité. Débattre du deuxième thème sans avoir réglé le premier risque de poser de réelles difficultés dans le débat.

Nous pourrions également pousser cet exemple plus loin. En effet, si les interlocuteurs ne se sont pas entendu sur « quelles sources sont valides pour étayer leur théorie » ou sur leur « hiérarchie de valeur », l’échanges sur le thème « Accès aux postes à responsabilité » ne pourra être résolu.

10 règles pour un bon débat

Ensuite il convient de connaitre certaines règles.

Voici les dix règles présenté dans « La nouvelle dialectique » :

1. Ne pas faire obstacle à l’expression ou à la mise en doute des points de vue
2. Défendre un point de vue que l’on a avancé, si l’autre le demande
3. Attaquer le point de vue adverse tel qu’il a été avancé
4. Défendre son point de vue uniquement en avançant une argumentation relative à ce point de vue
5. Accepter une prémisse que l’on a sous-entendue, ne pas en attribuer abusivement à l’adversaire

6. Ne pas annoncer une prémisse comme un point de vue accepté si tel n’est pas le cas, ni refuser une prémisse que l’on avait acceptée
7. Ne pas considérer son point de vue comme valide si sa défense n’a pas été correctement mené
8. Les arguments doivent être logiquement valide
9. Retirer son point de vue si on ne l’a pas défendu de façon concluante, ne plus mettre un point de vue en doute s’il a été défendu de manière concluante
10. Être clair dans ses formulations, le cas échéant les interpréter avec soins et pertinence

Pour résumer grossièrement ces dix points, je dirais :

Il ne faut pas censurer le propos de l’autre ni caricaturer sa position. Ne cherchez pas à faire une diversion en demandant de défendre une position au lieu de défendre la vôtre. Soyez honnête en respectant les points de vue de départ qui avait été communément admis, et n’annoncez pas votre victoire si votre argumentation n’est pas fiable. Reconnaissez vos torts lorsque tel est le cas. Et ne cherchez pas à embrouiller l’autre.

4 phases pour un débat

Les sophismes que nous allons voir font partie de ceux qui s’opposent à la résolution d’une dispute. Pour être résolue, il est nécessaire qu’une dispute passe par quatre phases :
La confrontation : un point de vue est mis en doute.
L’ouverture : être au clair sur qui argumente en faveur d’un point de vue (proposant) et qui s’y oppose (opposant).
L’argumentation : le proposant défend son point de vue et l’opposant sollicite de nouvelles argumentations si ses réticences persistent.
La conclusion : le point de vue du proposant ou les critiques de l’opposant sont abandonnées.

Sophisme de confrontation

L’argumentum ad baculum que l’on peut illustrer par « ne me contredit pas ou je te tape ! ». Ce sophisme conduit directement à une fuite de la discussion. En l’utilisant, le débat intellectuel n’a même pas lieu car nous en restons au stade de la confrontation. En usant de menace à l’encontre de notre adversaire nous l’obligeons à prendre en compte les effets de la menace qui pèsent sur lui. C’est un sophisme car nous ne nous livrons pas à un examen critique de notre position.
La menace n’est pas toujours exprimée clairement, sans doute est-ce parce que cela manifeste trop clairement le refus du débat.

Photo de Luis Galvez sur Unsplash

L’argumentum ad misericordiam que l’on peut illustrer par « si tu me contredis, tu vas (me) décevoir ». Cette manière de procéder joue sur le coté émotionnel ou affectif du contradicteur. Nous lui faisons du chantage affectif pour qu’il ne tienne pas son propos. Cette façon de faire restreint la liberté du contradicteur en déclenchant sa compassion.

L’argumentum ad hominen que l’on peut illustrer par « tu es bête, intéressé et tu pratiques le « faites ce que je dis pas ce que je fais » ». Il a pour but de décrédibiliser la parole de l’autre pour le réduire au silence. Trois cas de figure peuvent se présenter :
1. Mettre en doute les compétence, l’intelligence, le caractère ou la bonne foi de votre interlocuteur.
2. Souligner l’intérêt qu’a votre interlocuteur en défendant telle thèse. En manifestant un conflit d’intérêt par exemple.
3. Mettre en avant une contradiction entre le propos de son interlocuteur et ce qu’il dit ou fait.

Sophisme de rôle

Ce sophisme consiste à ne pas assumer la charge de la preuve lorsqu’elle nous revient.

Une preuve évidente ?

Effectivement, il est possible de présenter sa thèse de manière à ce que sa défense paraisse superflue. C’est le cas lorsque l’on utilise une tournure de phrase qui fait passer notre thèse pour évidente ou indiscutable (Le simple bon sens nous assure que…, Evidemment, il est inutile de préciser que…, …).

Nous pouvons aussi être tenté de nous défausser de la charge de la preuve lorsque nous garantissant personnellement la justesse de notre thèse (Je peux vous assurer que…, …). En agissant de la sorte nous jouons sur la sympathie de notre interlocuteur qui ne souhaite pas forcément nous faire perdre la face.

Une autre manière de procéder consiste en l’utilisation de formulation « hermétique » (les femmes sont plus intuitives que les hommes, le Français est râleur, …). La subtilité réside dans le fait qu’une règle générale est difficilement attaquable dans la mesure ou le nombre de contre-exemple à prouver n’est pas clair. S’il y en a peu, il est facile d’arguer que ce sont des exceptions, s’il y en a beaucoup, il suffit de rétorquer que ces contre-exemples relèvent « d’autre chose » que de la nature du sujet dont on parle.

Un exemple :
– Les femmes sont plus intuitives que les hommes.
– Telle, telle, … , et telle femmes sont moins ou aussi intuitives que tel, tel, … , et tel hommes.
– Oui, mais vos contre-exemples ne sont pas de « vraies » femmes dans la mesure où elles ne relèvent pas de ce qu’est « l’essence » de La femme.
Imparable n’est-ce pas !!! C’est un sophisme !

Une preuve trop difficile à démontrer ?

D’autres fois, pour ne pas avoir à défendre notre thèse nous demandons à notre contradicteur de prouver que notre thèse est fausse. Ce faisant nous nous défaussons de notre responsabilité car c’est à celui qui avance quelque chose d’être en mesure de le défendre.

Voici un exemple : il y a quelque mois j’ai découvert que certaines personnes croient que la terre est plate. Mon interlocuteur, au lieu d’avancer des arguments, m’a demandé de prouver qu’elle est ronde. N’ayant jamais réfléchi à ce qui me permettais d’être sûr que la terre est ronde, je n’avais pas d’argument à proposer. Il a donc voulu considérer que son point de vue était accepté.

L’argumentum ad ignorantiam désigne le sophisme « d’ignorance » ou de « stupidité » qui consiste à déduire de ce qu’une chose n’a pas été prouvée qu’elle n’existe pas, ou à conclure qu’une chose existe parce qu’on n’a pas prouvé qu’elle n’existe pas.

Sophisme dans la représentation des points de vue

Lors d’un débat, l’image que nous avons du point de vue de notre interlocuteur est parfois différente de ce qu’elle est en réalité. Que ce soit par ignorance ou par facilité, il nous arrive de caricaturer le point de vue adverse. Et il nous arrive de défendre un point de vue plus extrême que ce que l’on croit, par simple réaction à une affirmation virulente de la position adverse.

Photo de Michel Stockman sur Unsplash

Attribuer un point de vue fictif ou déformé à notre adversaire est parfois nommé « sophisme de l’épouvantail ». Ce sophisme est caractérisé par un ensemble de procédés qui permette de déformer un point de vue, ce peut être l’exagération, la simplification, la radicalisation, la généralisation et l’omission de nuances ou des restrictions.
(C’est d’ailleurs une des raisons de mon défi. Savoir défendre la position adverse, c’est les connaitre et donc ne pas s’attaquer à du vent)
Nous attribuons parfois une position fictive lorsque nous amalgamons le point de vue de notre adversaire au groupe auxquels il appartient.

Pour éviter ce sophisme, il est conseillé de comparer méticuleusement le point de vue originel et la version dans laquelle il est présenté. Et aussi de ne pas intervertir les quantificateurs « tous » et « quelques » par exemple.

Nous tombons dans le piège de l’épouvantail lorsque notre adversaire émet une supposition ou une conclusion vraisemblable et que nous l’attaquons en disant, ou laissant entendre, que son point de vue est catégorique.

Une dernière variante du sophisme de l’épouvantail consiste à attaquer les arguments faibles de son interlocuteur et d’ignorer les plus forts. Ce faisant nous évitons une confrontation sérieuse et donc nous esquivons le débat.

Sophisme 2/2

Dans un prochain article nous verrons les sophismes : de défense, dans le traitement des prémisses implicites, dans l’utilisation des points de départ, dans l’application des schémas argumentatifs, dans l’utilisation des formes logiques de l’argumentation, de clôture et les sophismes d’usage du langage.

Merci de m’avoir lu

Pierre-Favre Bocquet

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4 commentaires pour “Les sophismes 1/3

  1. C’est trop bien d’avoir des posts comme ça pour apprendre à manipuler les gens je vais pouvoir manipuler ma mami pour avoir plus de sous à Noel l’année prochaine !! Merci

  2. Super Pierre merci de nous apprendre à manipuler les gens !! Je vais pouvoir manipuler mes proches avec ces trucs et astuces pour faire ce que je veux d’eux. C’est vrai que la période de fin d’année aide à avoir les gens vu qu’ils sont fatigués !! Bien joué

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